CD DG/Archiv. Notice et livret en français. Distr. Universal.
La production bruxelloise de 2012, dans la fort laide régie de Pierre Audi, ne nous avait guère convaincu. Son écho discographique nous laisse plus perplexe encore... Non par la faute de la distribution, plutôt intéressante bien que privée de teintes latines. L'élément le plus discutable en est Sunhae Im, soubrette égarée dans un rôle central, condamnée à vociférer dans les « montagnes russes » finales et à geindre dans sa divine Sicilienne. Probe, précis, Wolff n'a pas tout à fait la carrure de l'imposant Zoroastre tandis qu'il ne manque au solide couple Karthäuser/Hammarström qu'une ombre de mélancolique nostalgie. Sur scène, Mehta affichait lui aussi une projection et une virtuosité insolentes ; au disque, l'on perçoit davantage l'usure des couleurs et de l'aigu, le caractère fabriqué du grave ; mais désormais concentrée, recentrée, sa voix de falsettiste reste l'une des plus convaincantes dans cette partie.
Non, le moins acceptable, ici, c'est Jacobs, emporté par son hybris narcissique, prêt à tout pour marquer la partition de son sceau. Passons sur les bruitages de Disneyland (machine à vent, tonnerre et autres fracas) ; admettons les fatigants zigouigouis dont le chef belge alourdit les récitatifs (postludes, préludes et interludes à l'orgue, au clavecin, à la harpe, au luth, au hautbois, etc.). On est même prêt à excuser les dispensables doublures / transpositions instrumentales dont il empâte chaque morceau sous prétexte d'en aviver le caractère (ah, le basson bougonnant de « Unisca amor » !). Encore que le procédé apparaisse singulièrement grotesque dans la plus bariolée des partitions serie de Haendel (ce dernier va jusqu'à y réclamer de rarissimes « violette marine » pour évoquer le sommeil de Roland) - et que le fait de saupoudrer un peu partout des traits de flûtes ôte toute magie à la soudaine intrusion de l'instrument (prescrite, celle-là !) dans l'envoûtant « Verdi piante ». Admettons, passons, pardonnons à « l'arrangeur ». Mais ce que l'on ne parvient pas à tolérer, c'est le sabotage du conducteur d'orchestre, dont le crédo semble avoir été : surtout, ne pas accélérer et/ou ralentir là où le compositeur le suggère, mais juste avant ou juste après (la scène de la folie, digne de Bernard Herrmann), surtout, ne pas laisser s'épanouir la moindre ligne vocale mais la briser, toujours, avant son climax, par un point d'orgue inapproprié ou une cadence disgracieuse (« Chi possessore »). On pouvait encore défendre cet interventionnisme nombriliste dans le répertoire vénitien ; ici, il frôle l'assassinat. L'on reste donc fidèle à Hogwood - version d'attente, pourtant, mais la moins contestable des six présentes sur le marché.
O.R.