DVD Opus Arte OA 1132 D. Distr. DistrArt Musique.
La production originale filmée en 1984 par la BBC nous avait laissé le souvenir d'une remarquable réussite au plan théâtral. L'approche d'Andrei Serban rompait enfin avec l'éternel registre d'une Chine impériale de pacotille pour nous entraîner dans un univers fabuleux mixant le vocabulaire des différents théâtres d'Extrême-Orient - opéra chinois, kabuki, voire nô - avec les réminiscences de la commedia dell'arte - Carlo Gozzi oblige - incarnée par le trio des Ministres, quelque part entre bouffons du théâtre japonais (kyogen) et polichinelles, et des éléments de théâtre baroque comme cet Empereur descendant des cintres dans son nimbe doré.
Dans cette reconstitution due à Andrew Sinclair, il ne demeure finalement que la surface. La réalisation ne restitue pas du tout la sensation d'espace de jeu que communiquait le dispositif scénique en forme d'arène - théâtre dans le théâtre - et ne restent finalement de ce travail pénétrant que la superficie et les aspects spectaculaires - chorégraphies et mouvements de foule remarquablement réglés, raffinement des costumes et des masques, richesse des lumières ; mais toute forme de théâtralité semble s'être résolument enfuie de la mise en scène pour ce qui concerne les protagonistes. Si Lise Lindström ne démérite pas vocalement dans le rôle-titre, avec sa voix puissante et glacée, de belles nuances pour évoquer dans le finale la fragilité de la Princesse, elle ne saurait rivaliser avec le souvenir de la présence magnétique de Gwyneth Jones qui habitait son rôle avec une toute autre conviction. Sa Turandot impressionne, certes, par sa technique mais ne touche guère et s'agite dans la scène des énigmes de façon peu convaincante. La voix splendidement timbrée de Marco Berti se double, hélas, d'une absence totale d'engagement scénique et sa prestation est souvent compromise par une ligne de chant pour le moins approximative et de gros problèmes de justesse dans « Nessun dorma ». Reste à sauver la magnifique Liù de Eri Nakamura, très investie mais dont le vibrato pourrait finir par devenir envahissant et dont les voyelles italiennes ne sont pas toujours très orthodoxes. Raymond Aceto - belle voix chantante - est un Timur un peu trop vériste et le trio des Ministres est dominé par l'excellente basse de Dyonisios Sourbis. Une mention pour l'excellent Altoum et la belle autorité du mandarin de Michel de Souza. On saluera la prestation des excellents chœurs et de l'orchestre du Royal Opera House qui, sous la direction puissante et nuancée de Henrik Nanasi, un nom à suivre, révèlent toute la séduction et la modernité de la partition de Puccini et apportent à cette soirée la touche particulière qui la sauve, au moins musicalement, de la simple routine de luxe d'une reprise de répertoire.
A.C.