CD Musiques à la Chabotterie. Notice et livret en français. Distr. La Simphonie du Marais.
Déception. Si la formidable série de disques (Accord) consacrée à Lully par La Simphonie du Marais nous avait séduit, les excursions ramistes du même ensemble nous convainquent moins. Car, avouons-le, Les Indes, avec leur partition bigarrée, proliférante, redoutable pour les voix comme pour les instruments, réclament tout de même plus de panache, de feu voire... de sauvagerie. La direction de Reyne se distingue toujours par sa respiration aisée, son élégance sans apprêts, mettant parfaitement en valeur des pages langoureuses telles que la Musettte et l'Air gracieux du Prologue ou la merveilleuse Adoration du Soleil de la Seconde Entrée. Mais dès l'Air polonais et jusque dans le bis (un soi-disant "Air des sauvages vraiment sauvage" pourtant privé de rebond), l'on sent qu'il manque à cette baguette le sens du théâtre, des contrastes, de l'aspérité rythmique voire une certaine "virilité" dont la musique de Rameau, malgré les apparences, n'est jamais exempte. Il faut dire que les forces rassemblées ne semblent pas suffisantes pour faire face à cette fresque en cinq tableaux : côté orchestre, si le trio d'anches est goûteux, les violons restent hasardeux (écoutez l'Orage de la Troisième Entrée) et, côté chant, ce n'est pas mettre toutes les chances de son côté que de se contenter de six voix pour camper dix-sept personnages ! Certains rôles et certains actes s'en tirent mieux que d'autres. La Première Entrée, celle du "Turc", est piteuse par la faute d'une micro-tempête et d'ariettes bâclées par Révidat (soprano sans grand métal ni stabilité) et Geslot (haute-contre bien précaire). La Seconde, celle des Incas, vole plus haut grâce à un "Viens Hymen" divinement phrasé par Gabail (voix certes serrée, nerveuse, mais fort bien conduite) et à un Huascar qui, s'il manque de "creux", sait ce que chanter veut dire (même si l'on préfère le baryton Lefèvre, élément le plus polyvalent du casting, en Adario ou en Osman). La Troisième Entrée, "Les Fleurs", ennuie un peu, comme souvent (et Geslot y est franchement pénible dans ses essais de voce finta), tandis que la Quatrième, "Les Sauvages", est sauvée par son finale, une Chaconne solaire, une Ariette brillamment enlevée par Gabail. On finit par se dire qu'un disque d'extraits aurait suffi. Mais, admettons-le, aucune des trois autres "intégrales" disponibles (Christie, Paillard, Frisch - celle de Malgoire n'ayant, semble-t-il, jamais été rééditée en CD) n'apparaît franchement convaincante... Notons qu'à l'occasion de cette production, Reyne publie sa propre édition de la partition, dont seul Paillard avait jusqu'ici fait entendre l'intégralité.
O.R.