CD Accent. Notice et livret en anglais. Distr. Abeille Musique.
Créé avec succès en 1728, jamais repris du vivant de Haendel, Siroe reste un opéra injustement méconnu. Sans doute parce qu'il est l'un des moins « haendéliens », des plus « métastasiens » du Saxon. Pour la première fois, le compositeur mettait en musique un livret à succès de Metastasio et il le faisait avec plus de respect qu'il n'en aurait plus tard pour Alessandro (devenu Poro) ou Ezio. Coupures limitées, succession implacable de récits et d'arie da capo (il n'y a pas même ici de duo), orchestration dépouillée (les cordes seulement, avec les hautbois en ripieno) : rien ne vient distraire l'auditeur du texte, dont la mise en musique, extrêmement ludique (écoutez les airs d'Emira), épouse avec bonheur le perpétuel second degré. Car avec Siroe (écrit à peine deux ans plus tôt), Métastase signait son seul ouvrage vénitien, pétri de faux-semblants, déguisements, demi-mensonges, nous entraînant dans un monde où « la vérité est ailleurs », qu'Haendel brosse de façon spirituelle et rhétorique, sans s'interdire cependant le pathos (notamment au dernier acte dans les airs de Cosroe et Siroe). C'est dire que Siroe vaut davantage par son tout que pour la somme de ses parties et nous sommes donc fort reconnaissant à Laurence Cummings de nous en fournir enfin une (presque) intégrale - ne manque que l'air final, anodin, du héros. Sa direction attentive et ferme, à la tête de « son » orchestre du Festival de Göttingen (où il a succédé à McGegan), s'avère en outre plus équilibrée que celle de ses rivaux dans cet ouvrage - plus professionnelle que celle de Palmer (chez Newport Classic), plus idiomatique que celle de Spering (qui réduit l'opéra à un fade catalogue d'airs, chez HM). Hélas, dans Haendel, il faut aussi des voix. Et c'est ce qu'il nous manque ici désespérément : pour cette production scénique dont on entend les redoutables échos (coups de feu et autres hurlements), on a sans doute fait choix d'interprètes physiquement crédibles, au détriment du chant. Deux petites sopranos anonymes se partagent les rôles de Faustina et Cuzzoni, deux contre-ténors instables ceux de Senesino et Baldi - les interprètes de Siroe et de Laodice apparaissant particulièrement dépassés -, tandis que l'aimable baryton argentin Lisandro Abadie perd parfois de vue la justesse, dans un rôle écrit pour la « toujours furieuse » basse Boschi. Rien à sauver de ce côté, donc, et l'on ne peut que rêver à ce qu'aurait donné Cummings dirigeant dans Siroe la distribution du récent Alessandro de Decca (les deux opéras ayant été composés pour la même troupe)...
O.R.