Pour célébrer le 125e anniversaire de la création in loco deTosca de Puccini, l’Opéra de Rome a apposé une plaque commémorative dans le hall d’entrée du Teatro Costanzi et remonté la production historique de 1900. Si les décors, réalisés d’après les dessins originaux d'Adolf Hohenstein, paraissent authentiques, il n’est pas sûr que les costumes le soient tout autant. Les producteurs n’ont d’évidence pas osé imposer à la protagoniste l’extravagant chapeau à plumes et la canne haute à rubans pour son entrée en scène au premier acte et l’ensemble de son costume ne paraît pas aussi « Consulat » que celui de la créatrice sur les photos reproduites dans le magnifique programme de salle. Mais ce n’est qu’un détail car si, vraisemblablement, la direction d’acteurs d’Alessandro Talevi ne prétend pas retrouver la gestuelle d’époque, il faut reconnaître que l’ensemble fait illusion et paraît plutôt réussi, tant l’opéra de Puccini au livret si précis appelle ce réalisme historique. Le tableau final, la terrasse du château Saint-Ange au petit matin, est vraiment splendide avec son subtil éclairage mais on ne comprend guère pourquoi au deuxième acte le bureau de Scarpia au Palais Farnèse est éclairé à giorno par une fenêtre hors style alors que la scène est censée se passer le soir. La production sera reprise deux fois dans la saison avec trois distributions différentes, et notamment Anna Netrebko et Anna Pirozzi.

Pour la première série, Saioa Hernández et Anastasia Bartoli alternaient dans le rôle-titre. Cette dernière, très remarquée à Pesaro l’été dernier, semble encore en phase d’appropriation du rôle. Son « Vissi d’arte » montre une école parfaite mais la voix manque parfois de corps dans le medium et l’aigu forte fait entendre quelques stridences. Excellente comédienne, elle reste cependant le meilleur élément d’un plateau assez ordinaire. Le Cavaradossi de Vincenzo Costanzo, voix en arrière dans le premier acte et aigu sous pression, s’améliore toutefois dans les deux derniers mais garde une petite tendance à tenir la note qui paraît bien ostentatoire et démodée. Solide et bien projeté, Gevorg Hakobyan n’est pas le plus subtil des Scarpia. Efficace au deuxième acte, il manque de finesse pour évoquer le caractère insinuant et reptilien du premier où sa composition tant vocale que scénique reste assez sommaire. D’excellents seconds rôles, notamment le sacristain remarquablement caractérisé de Domenico Colaianni et la basse de Luciano Leoni en Angelotti complètent le plateau. La direction de Francesco Ivan Ciampa appuie fortement sur les contrastes dynamiques de la partition et étire un peu trop les tempi, ce qui ne favorise guère les chanteurs et alourdit considérablement l’effet dramatique d’une partition dont la concision est une des grandes forces. Mais il faut reconnaître que cette lenteur valorise la richesse de l’orchestration de Puccini, remarquablement servie par un orchestre à son meilleur.

La voix de Saioa Hernández a plus d’homogénéité que celle d'Anastasia Bartoli mais la fréquentation des rôles lourds a déstabilisé l’émission qui laisse entendre un vibrato prononcé dans les passages mezzo forte et peine à évoquer la légèreté du marivaudage des premières scènes. Après un deuxième acte où elle est au meilleur d’elle-même, elle paraît souvent aux limites de ses ressources dans le dernier où elle ne retrouve sa puissance de projection que dans les aigus à pleine voix. À soixante-dix ans sonnés, Gregory Kunde reste d’un incroyable fraîcheur malgré quelques aigus appuyés. Son style exemplaire, la subtilité de ses nuances, son lyrisme compensent largement un physique qui n’est plus vraiment celui de l’emploi et rend sa scène de mort un peu maladroite. Dans cette deuxième représentation, le baryton paraît nettement plus convaincant. On regrette une fois de plus que la chanson du pastorello, prévue pour une voix d’enfant, ne soit confiée à un jeune soprano féminin, ce qui enlève de la fraîcheur voulue au prélude du dramatique épilogue.

 

A.C.


Notre édition de Tosca de Puccini/L'Avant-Scène Opéra n° 11


Anastasia Bartoli (Tosca) et Vincenzo Costanzo (Cavaradossi). (c) Fabrizio Sansoni/Opera di Roma