Robert Gleadow (Don Giovanni), Arianna Vendittelli (Donna Elvira), Florie Valiquette (Donna Anna), Riccardo Novaro (Leporello), Jean-Gabriel Saint Martin (Masetto), Enguerrand de Hys (Don Ottavio), Éléonore Pancrazi (Zerlina), Nicolas Certenais (Le Commandeur). Chœur et Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles, dir. Gaétan Jarry, mise en scène : Marshall Pynkoski (17 et 18 novembre 2023).

Château de Versailles CVS115. Notes, synopsis et sous-titres en français. Distr. Outhere.

Ce Don Giovanni mis en scène par Marshall Pynkoski en novembre 2023 à l’Opéra Royal de Versailles partage le même décor néoclassique de Roland Fontaine que celui ayant servi un mois plus tôt dans le même théâtre à la production de Giulietta e Romeo de Zingarelli. À la différence de ce dernier spectacle, l’élégant dispositif scénique, inspiré selon les dires du décorateur par le théâtre Olimpico de Vicence, ne varie ici que fort peu et convient aussi bien aux scènes extérieures qu’intérieures. Il suffit d’un changement de châssis en fond de scène ou que des lustres descendent des cintres pour nous transporter immédiatement d’un lieu à un autre grâce aux remarquables éclairages d’Hervé Gary. Participent également de ce plaisir visuel les luxueux costumes de Christian Lacroix, qui ose toutefois certaines juxtapositions parfois étonnantes dans les couleurs et les motifs des imprimés, en particulier dans les vêtements de Zerlina et Leporello. Habitué des lieux, Marshall Pynkoski a réalisé une mise en scène très vivante pour laquelle il reconnaît s’être inspiré de la commedia dell’arte et qui réserve en outre une place importante aux huit danseurs du Ballet de l’Opéra Royal. Si les chorégraphies de Jeannette Lajeunesse Zingg s’insèrent à merveille dans la noce paysanne ou le bal chez Don Giovanni, avouons que la présence des danseurs dans la première scène nous a semblé transformer en divertissement acrobatique le duel avec le Commandeur. Autre sujet d’étonnement dans cette mise en scène par ailleurs très traditionnelle : après avoir commis son meurtre, Don Giovanni se signe et recouvre respectueusement d’un linceul le corps de sa victime. Comment peut-on justifier un tel geste de la part du libre penseur le plus fameux du répertoire lyrique ?

Dans la fosse, Gaétan Jarry opte le plus souvent pour des rythmes allants tout en accentuant parfois les contrastes de façon quelque peu excessive. La pâte sonore de la phalange sert dans l’ensemble très bien la partition de Mozart, mais on pourrait souhaiter des cordes au son plus fourni et moins aigre. On n’a que de bons mots en revanche pour le continuo de Ronan Khalil qui fait preuve au pianoforte d’une imagination et d’un humour des plus réjouissants. Dans le rôle-titre, Robert Gleadow accentue à un tel point son côté brutal de prédateur sexuel qu’il donne à son personnage des allures de Barbe-Bleue. Son chant est à l’avenant, c’est-à-dire terriblement fruste, affligé d’un fort vibrato et manquant par trop de suavité dans le duo « Là ci darem la mano » ou la sérénade du deuxième acte. À ses côtés, Riccardo Novaro prête à Leporello des accents autrement plus distingués et adopte un jeu beaucoup plus juste. Florie Valiquette n’est certes pas une Donna Anna au format héroïque, mais la fraîcheur juvénile de son timbre et sa solide technique remportent les suffrages. En raison d’une émission inégale qui fait en sorte que le son ne s’épanouit que par intermittence, Enguerrand de Hys ne convainc guère en Ottavio. Privé de « Il mio tesoro », il défigure la fin de « Dalla sua pace » en chantant fortissimo le mot « morte ». En dépit de sa voix aux couleurs un peu mûres, Éléonore Pancrazi est une Zerlina attachante, qui forme un couple tout à fait crédible avec le superbe Masetto du baryton Jean-Gabriel Saint Martin. Arianna Vendittelli campe pour sa part une Donna Elvira véhémente à souhait et aux moyens très sûrs, au contraire du Commandeur chevrotant de Nicolas Certenais. En somme, cette nouvelle version aux mérites indéniables ne se hisse pas au sommet d’une vidéographie déjà surabondante.

 

L.B.