Chantal Santon Jeffery, Hasnaa Bennani, Marine Lafdal-Franc, Jehanne Amzal (sopranos), Clément Debieuvre (ténor), David Witczak (baryton), Les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, Helsinki baroque Orchestra, dir. Alexis Kossenko.

Château de Versailles Spectacles CVS 139 (2 CD). 2021. 1h55. Notice en français. Distr. Outhere.

Les infatigables chercheurs du Centre de musique baroque de Versailles ont dû tomber sur un « filon Colin de Blamont » puisque, quelques semaines après Les Fêtes grecques et romaines, voici que sont exhumées deux nouvelles œuvres de ce compositeur pré-ramiste, jusqu’ici fort peu fréquenté - deux divertissements, d’un acte chacun, destinés à fêter, respectivement, le mariage de Louis XV (Le retour des dieux, Fontainebleau, 1725) et la naissance du Dauphin Louis de France, qui ne devait jamais régner (Le caprice d’Érato, Versailles, 1729).

Pour suppléer à la dimension visuelle d’ouvrages non mis en scène, la partition doit ici déployer toute sa puissance d’évocation. Et l’on retrouve ainsi le flot inépuisable de mélodies et la finesse instrumentale qui nous avaient séduit dans Les Fêtes : chaque divinité du Retour des dieux s’accompagne de sonorités typiques, tandis que, dans Le caprice d’Érato, sous-titré « les caractères de la musique », la muse de la poésie lyrique rivalise avec ses sœurs en évoquant, successivement, le monde pastoral, les enfers, le cortège de Dionysos et celui de Diane. Détail piquant : les deux pièces s’achèvent par l’arrivée d’une déesse de la chasse qui, pourtant, ne paraît ni ne chante jamais.

S’il ne possède pas le génie iconoclaste de son successeur Rameau, Colin de Blamont s’avère orchestrateur facétieux, confiant tel air pour les Arts aux deux seuls bassons puis faisant imiter la musette aux mêmes instruments (menuets d’Érato), jouer les cordes à la façon des cuivres ou accompagner le Chasseur d’une flûte inattendue. Sa versatilité vocale n’est pas moindre, notamment dans les nombreux airs, tantôt dans le style noble du récit français, tantôt dans le genre léger et populaire ou en forme de da capo italien (aria de Junon).

Du côté des ensembles, le plaisir est constant. Délaissant les copieux effectifs des Ambassadeurs et de La Grande Écurie pour un orchestre d’Helsinki plus resserré (26 musiciens), Kossenko sculpte les rythmes, soigne la dynamique, laisse respirer et s’épanouir la grâce piquante des danses et des pages descriptives. Vif, réactif, doté de cordes d’une grande plasticité (merveilleux prélude pour la Nymphe de la Seine), l’ensemble islandais fait une entrée remarquée dans le cénacle baroque, tandis que les Chantres de Versailles confirment leur bonne santé dans des chœurs souvent opulents.

La distribution vocale (quatre sopranos, une haute-contre, une basse) laisse plus partagé, surtout rayon dames : le timbre pulpeux de Bennani ne fait pas oublier ses constants problèmes de justesse, tandis que l’émission serrée et le soutien flageolant de Santon Jeffery ôtent bien du brio à son Érato. Lafdal-Franc campant une Minerve tranchante mais un peu sèche, c’est la délicate Amzal qui nous séduit le plus, sous ses divers atours de bergère. Witczak fait montre de son éloquence coutumière en Apollon, malgré un grave tassé, mais quel dommage qu’on entende si peu Debieuvre : sa délicieuse voix mixte et son élégance racée n’ont que quatre plages pour s’épancher !


O.R.