Shira Patchornik (Leandro/Orazio), Valeria La Grotta (Giacomina/Ginevra), Matteo Loi (Lamberto), Martina Licari (Elisa), Natalia Kawałek (Lauretta), Camilo Delgado Díaz (Colagianni), Modo antiquo, dir. Federico Maria Sardelli.

Dynamic (2 CD). 2023. Live. 2h04. Notice en anglais. Distr. Outhere.

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, Pietro Auletta (1698-1771) nous était surtout connu pour avoir été le premier à mettre en musique l’Ezio de Métastase, en 1728. Mais son plus grand succès fut un opéra bouffe, L’Orazio, créé à Naples en1737, puis repris dans toute la Péninsule (et jusqu’en France, en pleine querelle des Bouffons)  au fil de tant d’adaptations, coupes et ajouts que la version d’origine apparaît difficile à reconstituer. Ponctuée d’arias dues à d’autres compositeurs, la partition fut même attribuée à Pergolèse : il est vrai que certains passages font irrésistiblement penser à Il Flaminio ou Lo frate ’nnamorato, dont le protagoniste est aussi un rôle (doublement) travesti. Le sujet principal de l’œuvre est cependant… la constitution d’une troupe lyrique, thème qui, de L’impresario delle Canarie de Sarro (1724) à La prova di un’opera seria de Gnecco (1837) en passant par L’Opera seria de Gassmann (1769) ou Le convenienze ed inconvenienze teatrali de Donizetti (1827), allait réjouir tout un siècle...

Quatre sopranos campent donc ici les aspirant(e)s chanteuses et chanteurs, confrontés au perfectionnisme comme aux assiduités d’un maître de musique (baryton) et d’un imprésario (ténor)… Si les scènes au cours desquelles Lamberto fait répéter Lauretta puis le chœur ont été plus finement traitées par Telemann et Cimarosa dans leurs respectifs Schulmeister et Maestro di cappella, si les récitatifs secs, au disque, sont un peu longuets et si les ensembles (duos, trios) déçoivent par leur brièveté, les trois cantatrices principales se voient chacune gratifiées de trois grands airs napolitanissimes, qui peuvent se mesurer aux meilleures pages de Hasse.

Les jeunes interprètes ici distribuées font crânement face à ce festival de vocalises et de notes piquées – notamment Valeria La Grotta dans « Farò crudel vendetta » et Martina Licari dans l’incandescent « Sprezza la cruda sorte ». Tout au plus leur reprochera-t-on un bas médium encore timide, ce qui est aussi le cas du baryton, lequel emporte néanmoins avec panache son aria au syllabisme échevelé. Dans le rôle-titre, lui aussi redoutable, Shira Patchornik séduit moins, par la faute d’une émission pharyngée, dépourvue de chaleur. L’ensemble est dirigé avec sa fougue coutumière par un Sardelli qui n’hésite pas à prendre part à l’action, et si les violons de Modo antiquo nous semblent trop peu nombreux (face à des basses, une trompette et un continuo plus péremptoires), peut-être faut-il en incriminer la prise sur le vif. Le spectacle de Martina Franca semble avoir été des plus modestes : dommage, car cette œuvrette gagnerait à être appréciée sur scène ou en DVD.

 

O.R.