Au regard de ses méthodes d'écriture musicale, Rossini pourrait être considéré comme le compositeur. En effet, particulièrement dans Elisabetta, il associe des pages, agence des numéros, utilise des mélodies, bref « pose ensemble » des éléments divers dont il fut un jour l'auteur. Premier opéra écrit pour Naples, Elisabetta, Regina d'Inghilterra se présente comme un agencement de certaines des plus belles pages de Rossini composées jusqu'alors (1815) et issues d'opéras peu, voire pas, représentés à Naples. Il s'agit aussi de la première collaboration du cygne de Pesaro avec Isabella Colbran aux côtés de laquelle Nozzari et Garcia s'affrontèrent en Leicester et Norfolc. La partition est de très bonne facture à défaut d'être d'un style nouveau et parfaitement adaptée aux moyens impressionnants de ses créateurs. Presque sans temps mort, Rossini expérimente aussi une partition sans récitatifs secs, ce qui favorise la continuité et l'unité d'une pièce pourtant conçue comme un costume d'Arlequin.

L'institution palermitaine présente la production de Davide Livermore créée en 2021 à Pesaro, où Elizabeth I devient l'Elizabeth II de la série The Crown. Hormis le clin d’œil amusant à la série à succès, la transposition n'a pas d'intérêt : il s'agit d'une manœuvre cosmétique qui ne s'intéresse guère à l'apprentissage des usages de la cour par la jeune reine dans les premières saisons de la série. En outre, scénographie, décors et costumes flairent la coupure budgétaire, sans parler des images de synthèse qui relèvent du musée archéologique.

Si la mise en scène ne convainc pas, le plateau vocal uni dans un même engagement émotionnel sauve largement la soirée. Nino Machaidze possède un timbre fruité et généreux, doublé d'une belle assise dans le grave qui lui confère de l'autorité dans son personnage de reine. Tout comme la Matilde de Salome Jicia, elle vocalise avec soin et précision. Celle-ci fait valoir une belle voix de mezzo, touchante dans ses implorations comme dans l'audace. Au Leicester anguleux d'Enea Scala, on préfère le Norfolc stylé de Ruzil Gatin. Voix claire et parfaitement projetée, vocalises légères et belle théâtralité, le ténor retient l'attention de la salle. En fosse, Antonino Fogliani fait avancer le drame. Le chef dirige avec précision et énergie, il accompagne le plateau vocal avec soin et met en valeur les bois, alors que les violons sonnent avec dureté et une justesse approximative dans les traits les plus aigus. 

La grande implication des interprètes fait oublier une mise en scène indigente et les défauts musicaux pour laisser place à une pure jubilation rossinienne.

J.C


(c) Rosellina Garbo