DVD Sony 88843005769. Distr. Sony.
Don Carlo vole très haut en ce soir de Festival de Salzbourg. La mise en scène de Peter Stein assume habilement l'Histoire et son faste (costumes raffinés d'Annamaria Heinrich) en stylisant le contexte de façon poétique (décors de Ferdinand Wögerbauer, tout en jeux d'ombres, de légèreté ou de vidéo). Et si les grands tableaux peuvent sembler un rien creux ou froids dans cette épure scénographique, ils sont à ce point galvanisés par les Chœurs du Wiener Staatsoper que le son s'y fait matière et comble l'espace (quel plaisir que de les entendre dans le trop rare Chœur des Bûcherons initial !). Quant à la direction d'acteurs, précise et nerveuse, elle se pose sur des chanteurs d'un calibre vocal et théâtral de premier rang. Don Carlo somptueux de Jonas Kaufmann, au mental assombri d'orages que sa voix délivre en clair-obscur électrique ; Elisabetta charnelle et tourmentée, trop femme peut-être pour contraster vraiment avec son royal époux, d'Anja Harteros, au grand lyrique épanoui ; Posa toujours digne et paternel de Thomas Hampson - moins d'éclat dans l'aigu qu'il y a bientôt 20 ans à Paris, mais une profondeur du personnage nouvelle ; Inquisiteur monstrueusement caverneux d'Eric Halfvarson, égal à lui-même. Tout au plus regrettera-t-on quelque instabilité dans le Filippo II de Matti Salminen, charbonneux ici et ne parvenant pas à offrir dans « Ella giammai m'amò » une détresse souveraine. Et si Ekaterina Semenchuk est une Eboli au timbre opulent et au style juste, son italien reste fabriqué face au reste de l'équipe et manque de rondeur. A la tête de Wiener Philharmoniker en grande forme, Antonio Pappano délivre un Don Carlo très sage, bien tenu mais manquant de cette ampleur architecturale qui fait aboutir les grandes soirées. L'immense latéralité du plateau du Grosses Festspielhaus, si difficilement filmable, empêche aussi d'entrer complètement dans la captation - qui se hausse néanmoins parmi les meilleurs Don Carlo de la vidéographie.
C.C.