Par contraste, la reprise du Barbier de Séville de 2018 laisse une impression pour le moins mitigée. De la production élégante de Pier Luigi Pizzi ne reste que le décor néoclassique tout en noir et blanc, caractéristique de son style mais, éclairé à giorno sans la moindre variation, il a perdu tout son charme. La mise en scène a été truffée de gags triviaux, telle cette apparition assez dérangeante d’Almaviva en prêtre cul-de-jatte au deuxième acte. La direction d’acteurs se résume souvent à faire se dandiner les personnages dans les ensembles ou à leur faire effectuer un petit défilé sur le praticable entourant la fosse. La caractérisation conventionnelle, quand elle n’est pas carrément outrée, laisse une impression de théâtre boulevardier. Le pire est à trouver dans la Rosine de Maria Kataeva. Si la mezzo possède incontestablement l’exacte voix du rôle et une belle technique, elle pousse en permanence sa voix dans l’aigu et transforme la pupille du livret en femme faite dont la malice s’est changée en arrogance et en vulgarité. Le Figaro d’Andrzej Filończyk possède une voix généreuse et un tempérament débordant et s’impose sans mal au milieu d’une équipe de bonne tenue mais au relief limité. L’Almaviva juvénile de Jack Swanson ne manque pas d’atouts : une belle extension malgré une voix légère, un sens aigu de la variation mais il lui manque un  peu plus de variété dans l’expression pour convaincre pleinement. Malgré une petite tendance à chanter bas dans la Calomnie, Michele Pertusi tire son épingle du jeu en Basilio et Carlo Lepore est un Bartolo efficace mais sans piquant ni rondeur. Citons encore l’excellente Berta de Patrizia Bicirrè et le baryton William Corrò dans le double rôle de l’officier et de Fiorello à qui est consentie sa petite scène de l’acte I dans une version où les récitatifs sont donnés dans leur intégralité, portant le premier acte à une durée d’une heure cinquante ! Dans la fosse, Lorenzo Passerini tire le meilleur de l’orchestre symphonique G.Rossini, second ensemble du festival, décidément en grand progrès mais l’ensemble n'est au final qu'une réplique dénaturée de ce qui était à l'origine une pièce d'orfèvre.

 

A.C


(c) Amati Bacciardi