En passant de l’immense Arena Vitrifrigo où elle avait été créée en 2019 à  l’intimité du petit théâtre Rossini, la production de L'Equivoco stravagante révèle toute la folie d’une œuvre qui annonce déjà le meilleur de la veine bouffe de Rossini, ce dont il faut créditer la remarquable direction d’acteurs du duo Caurier-Leiser. Pour mettre en scène cet opéra d’un Rossini de 19 ans dont le livret fit scandale au point qu'il soit retiré de l’affiche après la troisième représentation, les metteurs en scène ont choisi d’utiliser les codes et les accessoires du vaudeville à la Feydeau : faux-nez et faux-culs dans un décor petit-bourgeois de tapisserie à ramages, où les allusions grivoises du livret se concrétisent dans un registre assez cru mais tout à fait hilarant. Il faut dire que la distribution entièrement renouvelée réalise un véritable sans faute tant théâtralement que vocalement. La mezzo russe Maria Barakova, succédant à Teresa Iervolino, évoque à merveille la métamorphose de l’héroïne, du bas-bleu naïf des premières scènes à la jeune fille découvrant le trouble de l’amour et du désir. Pietro Adaini est un amoureux transi et un ténor de charme de la plus belle venue ; le Buralicchio du baryton Carles Pachon, un prétendant stupide et suffisant très réussi. Quant à Nicola Alaimo, il compose un Gamberotto démesuré dont chacune des interventions déclenche l’hilarité du public. Citons encore le couple de serviteurs, le sémillant Frontino de Matteo Macchioni et la Rosalia de Patricia Calvache dont le petit air de sorbetto révèle une jolie voix de soprano léger fruitée. Dans la fosse, Michele Spotti dirige avec toute la verve voulue cette partition jubilatoire à la tête de la Filarmonica Gioachino Rossini, l’orchestre le plus récent dans l’histoire du festival, et le partenaire du Viaggio a Reims de l’Accademia Rossiniana  depuis 2014. 

 

A.C


Pietro Adaini (Ermanno), Carles Pachon (Buralicchio), Nicola Alaimo (Gamberotto). (c) Amati Bacciardi