Hélène Carpentier (Clio, Timée), Marie-Claude Chappuis (Erato, Cléopâtre), Gwendoline Blondeel (Aspasie, Délie), Cécile Achille (Zélide, Plautine), David Witczak (Apollon, Alcibiade, Marc Antoine), Cyrille Dubois (Amintas, Eros, Tibulle), La Chapelle Harmonique, dir. Valentin Tournet.

Château de Versailles Spectacles CVS 141 (2 CD). 2023. Notice en français. Distr. Outhere.

De François Colin de Blamont (1690-1760), protégé de Delalande et du régent, le disque ne nous avait jusqu’ici révélé qu’une belle cantate, Didon (Minkowski, Archiv, 1995) et un imposant Te Deum (Cuiller, CVS, 2018). Le « syndrome Jeux olympiques » (nous allons voir pourquoi) met aujourd’hui à l’honneur son tout premier opéra, Les Fêtes grecques et romaines (1723), qui lui valut une reconnaissance immédiate et connut de fort nombreuses reprises.

Dans l’Avertissement qui ouvre son livret, le prolixe Fuzelier se flatte de proposer un « ballet d’une espèce nouvelle », faisant, à la manière des Italiens, référence à l’histoire plutôt qu’à la mythologie. Il se pique donc de ressusciter trois fêtes de l’Antiquité, dont chacune sert de prétexte à une mince intrigue : durant les Jeux olympiques (nous y voici), le volage Alcibiade abandonne la douce Timée ; au fil des Bacchanales, la torride Cléopâtre séduit Marc Antoine, tandis que pendant le carnaval des Saturnales, Délie feint de ne pas reconnaître le poète Tibulle, déguisé, afin de mieux lui avouer ses sentiments – on reconnaîtra ici l’anecdote des « Fleurs », troisième entrée des Indes galantes que le même Fuzelier signera douze ans plus tard.

Avouons que ces arguments filiformes tournent parfois à vide : c’est pourquoi, lorsque la trame nécessite un peu de récitatif, le compositeur ne se montre pas plus inspiré que le poète. Mais tout le reste est un pur délice : doué d’un sens mélodique abondant et facile, Blamont enchaîne avec verve petits airs (avec ou sans da capo, avec ou sans orchestre, avec ou sans vocalises – mais le plus souvent avec), ensembles, danses et vastes chœurs (à cinq voix), mêlant heureusement styles français (la pathétique ouverture, la chaconne) et italien (le chant, lyrique, déjà ramiste).

Cette partition aussi légère qu’exigeante est servie par une équipe vocale hors pair – enfonçons une fois encore les portes ouvertes en notant combien, en vingt ans, la diction s’est améliorée chez les chanteurs français, tant en termes de précision que de « coloration ». Si, sur ce plan, tous les solistes sont à applaudir, on regrettera que Chappuis et Witczak privilégient la noblesse de Cléopâtre et d’Antoine au détriment de leur sensualité. Carpentier et Achille chantent à ravir, mais seuls Blondeel (mutine Délie) et Dubois (Tibulle pataud et Grec éblouissant) apportent ce grain de folie que réclame le sujet.

Confronté à des pages imposantes (et tendues pour les deux parties de sopranos), le chœur nous bluffe de bout en bout, tandis que l’orchestre, très équilibré, nous enivre de douces sonorités (les violons de la superbe pantomime, la poétique flûte de l’air de Délie). Après deux intégrales Rameau discutables, la direction de Valentin Tournet paraît s’être assouplie, sauf peut-être, on l’a dit, lors des « scènes », trop appliquées.

En nous faisant découvrir un compositeur méconnu, la jeune Chapelle Harmonique (sept ans !) signe ici son meilleur enregistrement.

 

O.R