Josh Lovell (Clistene), Rocio Pérez (Aristea), Maite Beaumont (Megace), Mathilde Ortscheidt (Licida), Marie Lys (Argene), Alex Banfield (Aminta), Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset.

Château de Versailles Spectacles CVS 143 (2 CD). 2023. 2h26. Notice en français. Distr. Outhere.

Le saviez-vous ? Les Jeux olympiques débutent bientôt à Paris… Voici l’occasion de ressortir l’inusable livret écrit en 1733 par Métastase pour Caldara et repris ensuite par une cinquantaine de compositeurs. Mais quelle version choisir ? Celle de Vivaldi est presque trop fréquentée (Jean-Christophe Spinosi vient de la donner au Théâtre des Champs-Elysées), tout comme celle de Pergolèse, quand celle de Mysliveček, ressuscitée par Václav Luks, n’a pas convaincu. Pourquoi pas celle commandée à Domenico Cimarosa pour l’inauguration de l’opéra de Vicence, en 1784 ? Au disque, nous en connaissions deux extraits : l’air final de Clistene, inclus dans le pasticcio conçu par Markellos Chryssicos (Naïve, 2011) ; et le premier de Megacle, choisi pour le portrait du castrat Luigi Marchesi dressé par Ann Hallenberg (Glossa, 2015) – deux passages que transfigure l'interprétation de Rousset.

Comme beaucoup d’opéras sérias, cette Olimpiade a été cousue sur mesure pour trois monstres sacrés : Marchesi, donc, la soprano Franziska Danzi-Lebrun (Aristea) et le ténor Matteo Babbini (Clistene). Au profit de ces figures, le sulfureux drame originel, mêlant complexe d’Œdipe, inceste et homosexualité, a été fort édulcoré. Désormais réduit à deux actes au lieu de trois, débarrassé d’un personnage et d’un tiers de ses morceaux, purgé de la tentative de suicide de Megacle, le nouveau texte met en retrait le rôle le plus intéressant, celui de Licida (qui ne dispose plus que d’un seul air véritable) au profit du gentil couple que composent Aristea et Megacle. Musicalement, n’en déplaise aux mânes de Stendhal, qui idolâtrait Cimarosa, le résultat est plutôt convenu, avec ses ennuyeux récitatifs secs (sobrement soutenus au pianoforte) et son enfilade d’airs (bipartites, da capo simplifiés et rondos), mélodiquement peu marquants, juxtaposant chant syllabique et orné. Restent l’exquise instrumentation, les puissants récits accompagnés et l’exubérance vocale – fort bien rendus par la présente lecture.

Pleine de flamme, la direction de Rousset, à la tête d’un orchestre motivé et bien capté, magnifie les contrastes Sturm und Drang d’une écriture dont elle met en relief les enchaînements comme les soudains alanguissements. On retrouve avec plaisir la mezzo Maite Beaumont, perdue de vue depuis ses Haendel : racée et éloquente, elle se montre moins véloce qu’Hallenberg mais nettement plus « incarnée ». Récemment choisie par Rousset pour camper la Reine de la Nuit, Rocio Pérez caracole jusqu’au contre-sol dans une partie redoutablement aigüe et instrumentale, notamment dans « Mi sento, oh Dio ! » conçu comme un duel entre la Danzi et son hautboïste d’époux. On lui reprochera seulement une élocution couverte, qu’elle partage avec l’autre soprano, une Marie Lys plus corsée, superbe en Argene outragée. Le ténor Josh Lovell séduit par son timbre chaud et son chant vibrant plutôt que par des sauts d’octave et vocalises encore à polir. Un bon second ténor et une mezzo assez aigre dans le rôle sacrifié de Licida complètent cette solide distribution, qui, au fil des dernières scènes, parvient presque à nous convaincre que Cimarosa est un grand compositeur…


O.R