Ramaz Chikviladze (Aquilante), Anastasia Bartoli (Gloria), Franco Vassallo (Bardo), Carlo Ventre (Lionetto), Alessandro Abis (Il Vescovo), Elena Schirru (La Senese), Alessandro Frabotta (Il Banditore), Orchestre et chœur du Cagliari Teatro, dir. Francesco Cilluffo, mise en scène, Antonio Albanese, décors, Leila Fteita, costumes, Carola Fenocchio. Sur le vif, février 2023.

Dynamic 38004 (1 DVD). Première mondiale en vidéo. Distr. Outhere.

Gloria est la dernière héroïne des cinq opéras composés par Cilea, dont le présent ouvrage écrit dans la foulée de son Adriana Lecouvreur, connut au demeurant deux versions successives. La première datée de 1907 et brillamment défendue par un plateau de haut vol, n’avait réussi à convaincre ni Toscanini qui la dirigeait à la Scala, ni le public. Cette tragedia lirica, inspirée d’un drame français du prolifique Victorien Sardou, reprenait à la manière de l’époque la thématique du couple d’amants issus de deux familles rivales. En 1932, le compositeur offrait une nouvelle mouture de cet ersatz de Roméo et Juliette, très largement remodelé. C’est cette seconde version longtemps oubliée qui nous est ici proposée à la faveur de sa récente reprise à Cagliari.

Contrairement à L’Adrienne qui l’avait précédée, la jeune Gloria vit et meurt désormais au cœur d’une partition véristo-wagnérienne, au diapason d’une tragédie située à Sienne au XIVe siècle du temps des affrontements entre Guelfes papistes et Gibelins soutiens de la Rome impériale. Le jeune Lionetto, transfuge du camp religieux et désormais chef des armées ennemies, est épris de Gloria, fille du prieur. Le frère d’icelle finira par poignarder son amoureux, la belle s’emparant alors de l’arme du tueur pour se suicider en pleine célébration de leurs noces. La mise en place d’Antonio Albanese en guise de mise en scène fige l’essentiel de ces péripéties en immobilisant ses chœurs sur les gradins à la manière d’une arène antique surplombant la scène. Hommage sans doute involontaire à Zenatello, primo uomo de la première version de notre opéra et créateur du festival de Vérone ? 

À l’unisson de cette solennité, le jeu des protagonistes se limite à un strict minimum assez frustrant. Seule à s’affranchir de ce carcan, la soprane Anastasia Bartoli (à ne pas rapprocher de son homonyme mezzo) est aussi et surtout l’atout vocal prééminent, voire unique, de la distribution. De bout en bout maîtresse d’une voix italianissime, expressive sans inutiles surlignages, émouvante et fluide, notamment dans l’aria «O mia cuna fiorita » qu’une Renée Fleming noyait au récital dans ses grâces émollientes relevées d’aigus dardés. Lionetto, ténor spinto au sens plus que jamais hyper-vériste du terme, n’est jamais lirico, dans un rôle hier défendu par Gigli. Les autres assurent mais ne valent guère mieux,  nous faisant regretter que la direction à la fois ardente et nuancée de Francesco Cilluffo, capable de galvaniser orchestre et chœurs, ne parvienne point à discipliner ses chanteurs. Toujours preneurs de redécouvertes, nous accueillerons néanmoins cette captation visuelle (non sans mentionner la gravure audio de 1969 éditée par Bongiovanni), conquis par son héroïne éponyme.


J.C