Pietro Spagnoli (Don Meschino), Matías Moncada (Don Alvaro/Don Fernando), Fan Zhou (Serafina), Greta Doveri (Chiara), Hyun-Seo Davide Park (Don Ramiro), Sung-Hwan Damien Park (Picaro), Valentina Pluzhnikova (Lisetta). Orchestre Gli Originali, Chœur de l’Accademia Teatro Alla Scala, dir. Sesto Quatrini, mise en scène, Gianluca Falaschi. Sur le vif, Teatro Sociale Bergame, décembre 2022.

Dynamic 37987 (1 DVD). Distr. Outhere.

 

Voici deux ans, le festival Donizetti de Bergame honorait le bicentenaire de cet ouvrage totalement oublié depuis le fiasco de sa création milanaise, cuisant échec du compositeur de 25 ans. L’intrigue alambiquée de cette comédie, tout droit venue du boulevard parisien, ne pouvait que rebuter le public de la Scala au détriment de ses vertus musicales. Réduite à sa plus simple expression, disons qu’elle trouvait son point de départ dans la capture du capitaine de vaisseau Don Alvaro et de sa fille aînée Chiara par des pirates, à la suite d’une dénonciation calomnieuse d’un certain Don Fernando, nommé qui plus est tuteur de la sœur cadette de Chiara, la belle Serafina et désireux de l’épouser pour capter la fortune de leur père. Ladite beauté tomberait cependant amoureuse du jeune Ramiro. À l’issue d’un embrouillamini qui aura convoqué une bonne dizaine de personnages dont le bien nommé Don Meschino (ô combien mesquin (!), le bienvenu Picaro préservera (tel Figaro) la félicité des deux héroïnes.


Avoir confié la mise en scène de ce melodramma semiserio, entremêlant épisodes truculents et sentimentalisme, à Gianluca Falaschi, virtuose des costumes de théâtre, désormais régisseur et décorateur d’opéra, s’avère particulièrement judicieux. Le décor à transformations conjugue l’art naïf d’un  Douanier Rousseau, un clin d’œil à Cocteau et à ses gravures équestres, le pastel d’un fond de scène maritime versus les ténèbres des bas-fonds. Choristes et personnages de music-hall s’agitent dans tous les sens avant de se livrer à de parodiques chorégraphies. Bref, le serio de l’aventure s’encanaille diablement, à l’image des protagonistes, hyper déguisés, maquillés à l’extrême et affublés de faux nez superlatifs ! Ce remodelage comique d’un improbable melodramma redonne à la musique son juste primat. Une musique succulente du fait de son évidente dette payée à Rossini, via son sextuor et ses envolées belcantistes ainsi que la faconde vocale de ses silhouettes comiques éduquées au chant d’école. Que ces réminiscences aillent de pair avec nombre d’anticipations des ouvrages majeurs du natif de Bergame est tout aussi évident. Aux  élèves de L’Accademia du Théâtre de la Scala et au chœur revient le mérite de se hisser à la hauteur de ces numéros virtuoses.Tous sont éperonnés par le Don Meschino du vétéran Pietro Spagnoli, artiste de grande classe distribué dans cet emploi barytonal de basso buffo.


Les deux sœurs ne déméritent aucunement. La coloratura de Serafina (Fan Zhou), un rien pointue, fait néanmoins de son grand air piégeux un moment de séduction. Chiara (Greta Doveri) aborde en travesti son rondo final avec cran et éloquence. Les autres, de l’emblématique Alvaro à Picaro, en passant par un Ramiro (Hyun-Seo Davide Park) moins abouti et une pertinente Lisetta (Valentina Pluzhnikova), honorent leur école.


L’orchestre teinté de baroquisme et souvent filandreux ne valorise pas vraiment la direction de Sesto Quadrini. Cet opéra mérite quoi qu’il en soit un accueil gourmand.

 

J.C