Gwendoline Blondeel (Florine, Thalie), Hélène Guilmette (Licoris), Hasnaa Bennani (Clarice, Euterpe), Mathias Vidal (Apollon), David Witczak (Momus), Adrien Fournaison (Dorante), Les Ambassadeurs – La Grande Ecurie, dir. Alexis Kossenko.

Château de Versailles Spectacles 122 (2 CD). 2023. Notice en français. Distr. Outhere.

Académie royale de Musique, 1749 : à deux mois d’intervalle, on donne Le Carnaval du Parnasse de Mondonville et Zoroastre de Rameau. Le second fait un four, le premier un triomphe, qui se poursuivra sur 35 représentations, ainsi que l’année suivante, et jusqu’en 1774, le troisième des neuf opéras de Mondonville restant le préféré des Français.

On ne peut guère imputer ce succès à l’amusant livret de Fuzelier (le librettiste des Indes galantes), qui semble annoncer celui de Cosi fan tutte : Momus aime la volage Thalie tandis qu’Apollon soupire pour la sérieuse Licoris ; tous deux parviendront à leurs fins durant le carnaval, lorsque Momus se fera passer pour Apollon.

Sur ce canevas simplet, Mondonville a brodé une étourdissante partition. Outre par son inépuisable veine mélodique et son instrumentation colorée, le natif de Narbonne séduit par son aisance à jongler avec les styles : dès le prologue, à l’atmosphère provençale (galoubet, tambourins), Clarice et Florine plaident l’une pour la tendre musique française, l’autre pour le brio italien - la Querelle des Bouffons s’annonce... Lorsque, à l’acte II, Apollon doit successivement imiter Jupiter, Bacchus et Diane, on croit entendre de brillantes parodies de Naïs, Hippolyte et Platée tandis que les fuligineux monologues de Momus (dieu de la raillerie) pourraient sortir de… Zoroastre. Quant aux deux plus grandes ariettes italiennes, l’une est confiée à un baryton (« Amour, les cieux, la terre »), l’autre fait intervenir le chœur (« Liberté charmante »). Enfin, Mondonville rappelle qu’il fut un maître du motet dans de grandioses pages chorales (la polyphonie qui clôt le premier acte est digne de Haendel), qui flattent la technique du merveilleux chœur de Namur.

Mais l’on signalera surtout les « scènes », truffées de petits airs, ariosos et duos, particulièrement celles opposant Thalie à Momus, menées de main de maître par un continuo facétieux, aux silences éloquents. Les quelques quarante-trois musiciens des Ambassadeurs pétillent et flamboient (cordes à la dynamique expressive, cors grommelants, hautbois savoureux, flûtes et bassons véloces), sous la baguette précise mais légère d’un Kossenko habile à unifier une musique souvent profuse (divertissement final).

Les mêmes chanteurs créèrent Le Carnaval et Zoroastre : c’est dire quelles sont ici les exigences vocales ! Malgré la tessiture grave du rôle, Witczak campe un truculent Momus, tandis que Blondeel incarne la plus radieuse des Thalie ; son timbre printanier contraste avec celui, plus corsé, plus âpre, de Guilmette, et avec la voix pulpeuse de Bennani, éclatante à l’acte III mais chantant parfois trop bas au prologue ; quant à Vidal, dans une partie destinée à Jélyotte, il convainc davantage par la clarté de l’émission et de la diction que par une interprétation stressée et stressante.

 

O.R