Marie Perbost (Lucie, Zaïre, Isménide, Florise), Florie Valiquette (Amour, Zamide), Anna Reinhold (la Principale Nymphe, Pircaride), Etienne de Bénazé (Léandre), Paco Garcia (un Indien, un Sylphe), Guilhem Worms (Zoroastre, Numapire), Matthieu Walendzik (Zerbin, Adolphe), Cécile Achille (l’Africaine, une Nymphe), Ensemble il Caravaggio, dir. Camille Delaforge.
Château de Versailles Spectacles (2 CD). 2023. 2h22. Notice en français. Distr.Outhere.
De Mademoiselle Duval (ca 1714, ap. 1769), on ne connaît pas même le prénom : elle fut la seconde des trois femmes à être jouées sur la scène de l’Académie royale de Musique (trois en un siècle !), après Elisabeth Jacquet de La Guerre, dont nous redécouvrions récemment Céphale et Procris.
Mais lorsque Duval l’Aînée, comme on la surnomme, propose Les Génies, en 1736, le goût n’est plus à la tragédie lyrique : on lui préfère l’opéra-ballet, genre plus léger où prédominent les divertissements et dont chacun des actes (appelés « entrées ») développe une (mini-)intrigue indépendante, le tout uni par un vague fil conducteur. Sous-titré Les caractères de l’Amour, le livret du débutant Jacques Fleury nous donne à voir comment aiment les esprits élémentaires : ceux de l’eau (Les Nymphes ou l’Amour indiscret), de la terre (Les Gnomes ou l’Amour ambitieux), du feu (Les Salamandres ou l’Amour violent) et de l’air (Les Sylphes ou l’Amour léger). Paru un an après Les Indes galantes de Rameau, l’ouvrage en rappelle l’esprit : l’indiscrétion et le milieu aquatique de la première entrée évoquent Le Turc généreux, la jalousie de la troisième répond au pathos des Incas quand le déguisement de la dernière se trouvait déjà dans Les Fleurs. Moins savante et puissante que celle de Rameau, la musique de Duval apparaît remplie d’idées ingénieuses, les airs da capo côtoyant de protéiformes récits accompagnés, finement instrumentés (début des Gnomes), les rondeaux et tambourins à l’irrésistible saveur populaire succédant à de vastes chœurs, les pages italianisantes aux ritournelles contrapuntiques (début des Nymphes).
Mimant l’écriture qu’elle sert, l’interprétation affiche un caractère assez désinvolte. La direction est vive, mais souvent confuse (dans les récitatifs, lors des changements de mesure), l’orchestre joli mais, le jeu des violons et flûtes manquant de soutien, paraît plus petit qu’il n’est (vingt-cinq musiciens), le chœur, renvoyé en fond de scène, sonne bizarrement réverbéré et certains détails interrogent, comme le bavardage de ces violes anachroniques qui alourdit parfois le continuo. La distribution masculine reste fort modeste : deux ténors suaves mais peu assurés (Garcia, de Bénazé), un baryton au grave court (Walendzik) et une basse lourde et tubée (Worms). Les dames séduisent davantage, particulièrement une Marie Perbost au chant fruité, qui, heureusement, se voit confier les rôles principaux, et une Anna Reinhold pleine d’autorité dans les éclats furieux et les vocalises. Notons que la dernière entrée, assez laborieuse, semble avoir été raccourcie.
Une découverte plus piquante qu’inoubliable...
O.R