Karen Cargill (Marguerite), John Irvin (Faust), Christopher Purves (Méphistophélès), Jonathan Lemalu (Brander). London Philharmonic Orchestra, Members of the London Symphony Chorus, London Youth Choirs, dir. Edward Gardner (live, Londres, Southbank Centre’s Royal Festival Hall, 4 février 2023).
London Philharmonic Orchestra. Présentation en anglais, livret bilingue (fr., angl.). Distr. DistrArt Musique.
Éminent chef de théâtre, Edward Gardner a du souffle et fait de la « légende dramatique » berliozienne un véritable opéra. Il met aussi en exergue les audaces et les raffinements de l’instrumentation, à la tête d’un orchestre magnifique et d’un chœur superbe – linguistiquement exotique néanmoins. Voici donc une Damnation pleine de couleurs et de flamme. Elle méritait cependant un autre Faust que John Irvin. Plus que la nasalité du timbre, on déplore un manque d’incarnation, comme si le chanteur américain était presque indifférent à son rôle. Créditons-le cependant d’une ligne joliment ourlée, de nuances délicates, parfois en voix de tête, d’une articulation scrupuleuse, mais on attendait qu’il sculpte les mots pour construire un personnage. La voix peut s’avérer aussi un peu légère, notamment pour l’Invocation à la nature, qui appelle une tessiture plus centrale. Karen Cargill et Christopher Purves étaient déjà Marguerite et Méphistophélès chez Simon Rattle. On se doute que la mezzo écossaise, déjà trémulante en 2018, n’a pas stabilisé son émission. Dommage : voilà une Marguerite stylée et intense. Si Christopher Purves accuse maintenant une évidente fatigue, avec même quelques écarts de justesse, le chanteur demeure, diable toujours plus insinuant que mordant, moins sage en tout cas que chez Rattle – passons sur l’accent. Et il a une présence, à la différence de Faust, car, pour le coup, les mots ne lui échappent pas. Quoi qu’il en soit, malgré la direction d’orchestre, cette Damnation ne peut rejoindre les versions phares de la discographie.
D.V.M