Après un prologue très convaincant, l’Opéra de Sarrebruck présente à Versailles une Walkyrie s’inscrivant dans la droite ligne de la première journée du Ring donnée l’an dernier.

C’est d’abord l’homogénéité de la troupe et de ses invités qui convainc, le Hunding d’Hiroshi Matsui (Fafner en 2023) a la voix, la puissance et l’aplomb terrien du personnage, pour sa part Peter Sonn défend son Siegmund sans contrefaire des moyens vocaux dont il ne dispose pas : ainsi les appels (« Wälse ») sont plus solennels que surhumains, cohérents avec un chant sur les mots, précis et sertis dans une ligne chambriste. Thomas Johannes Mayer est un habitué du rôle de Wotan et des grandes scènes lyriques, sa prestation porte en effet la marque d’une grande expérience et d’une connaissance précise du rôle : il sait ménager sa voix désormais un peu voilée sans jamais donner le sentiment d’une fatigue ou d’un amoindrissement. Le théâtre l’emporte toujours, dans les imprécations comme dans la déclamation, faisant la part belle au lyrisme pour les adieux. Du côté des personnages féminins, on salue d’abord l’ensemble des walkyries, où pas une ne dépare l’ensemble. On ressent avec elles l’urgence, la crainte, mais aussi le soupçon comique des sœurs qui se chamaillent au début du III.

Ingegjerd Bagøien Moe propose une Sieglinde juvénile, la voix est ample et maîtrisée, d’une couleur lumineuse qui sied au personnage, et le chant fait honneur à la déclamation, parfaite d’intelligibilité. On retrouve Judith Braun en Fricka, au chant toujours classieux et d’un parfait maintien pour incarner la déesse du foyer (elle est aussi Waltraute au dernier acte). Parmi cet ensemble de très haut niveau, on distingue la Brünnhilde d’Aile Asszonyi. La voix est longue, cristalline et homogène, hésitante puis décidée face à Siegmund, effrontée puis implorante face à son père, elle touche par la sincérité avec laquelle elle anime une palette d’émotions variée.

Sébastien Rouland est à la tête d’un orchestre un peu moins en forme que l’an dernier (le premier acte est riche de couacs) mais qui s’améliore tout au long de la représentation pour atteindre des sommets au troisième acte. Le chef se montre attentif au théâtre et donc aux interprètes, tout en soignant la couleur de chaque scène.

Rendez-vous en mai 2025 pour Siegfried à l’Opéra royal de Versailles.


J.C