La deuxième distribution d'Adriana Lecouvreur renouvelle trois des quatre principaux rôles avec des chanteurs latins, mais est-ce une garantie suffisante pour assumer une théâtralité et un style italiens ?
D'une Anna l'autre, Pirozzi succède à Netrebko : le texte devient idiomatique mais pour autant le drame n'y gagne pas. L'aigu est ici scintillant, les demi-teintes assurées avec plus de netteté, la ligne appliquée, bref la partition est sans doute mieux respectée. Toutefois, le mot n'est pas plus incarné ici que là, et surtout il manque les audaces et élans de la tragédienne. Giorgio Berrugi présente une voix aux couleurs cuivrées, sonore et brillante à souhait... d'une parfaite italianità, le chanteur pourrait parfois faire preuve de plus de souplesse, la ligne se déploie néanmoins sans dureté, avec une attention scrupuleuse au phrasé. Changement de dimension avec la princesse de Clémentine Margaine. Une technique sans soudure, un port altier et un timbre ambré donnent d'emblée la mesure de cette femme d'autorité. L'art de la ligne et plus encore celui de l'incarnation – parachèvent une prestation de très grande classe.
Pour le reste, on retrouve les qualités et défauts de cette production, au rang des premiers, on salue encore la direction de Jader Bignamini, sans concession face aux excès traditionnellement associés à ce répertoire, ainsi que l'interprétation d'Ambrogio Maestri, toujours juste en Michonnet.
Cette nouvelle distribution présente ainsi un couple soprano/ténor scrupuleux, extrêmement appliqué et fidèle à la partition. Sans recueillir les étincelles attendues, l'oreille se plaît à l'écoute du beau chant, puis exulte enfin grâce à Clémentine Margaine.
J.C
© Sébastien Mathé/OnP