Anja Harteros (Floria Tosca), Aleksandrs Antonenko (Cavaradossi), Ludovic Tézier (Scarpia), Andrea Mastroni (Angelotti), Matteo Perone (Sacristain), Mikeldi Atxalandabaso (Spoletta), Rupert Grössinger (Sciarrone), Levente Pall (geôlier), Benjamin Aster (un berger) ; Staaatskappelle Dresde, Christian Thielemann, Chœur Bach et chœur d'enfants de Salzbourg, mise en scène Michael Sturminger, costumes et décors, Renato Martin, Andreas Donhauser, lumières, Urs Schönebaum. Festival de Salzbourg, 21 et 24 mars, 2 avril 2018.
C Major 748308. Distr. DistrArt Musique.
Cinéaste, Michael Sturminger voit en Tosca une manière de remake des Affranchis de Scorsese. La clique réactionnaire qui, dans l'opéra règne sur Rome, au lendemain de la débâcle républicaine de 1799, a ici des allures de gangsters et ce dès la première scène qui voit Angelotti se libérer des sbires le conduisant en camionnette vers le château Saint-Ange. Le sadique et concupiscent baron Scarpia, sbire en chef, entretient quant à lui la forme physique nécessaire à ses ébats sexuels en s'adonnant au vélo d'appartement. Broutilles en somme, si l'on songe que le (triste) décor de cette transposition s'en tient aux conventions les plus ordinaires, de Sant’Andrea à ce fameux château Saint-Ange, via le palais Farnèse. Plus osée, l'idée de confier à des gosses d'on ne sait quel pensionnat, la mission de constituer le peloton d'exécution pointé vers Cavaradossi. Il est vrai qu'entretemps ledit Scarpia, poignardé par Floria, se relève alors même que celle-ci jouit de l'avoir terrassé mais se voit contrainte de parfaire son œuvre en l'achevant d'un tir de pistolet. Par bonheur pour notre régisseur turbulent, il se trouve que les héros du film par lui démarqué sont ceux même ayant inspiré la série culte The Sopranos ! Message subliminal involontaire ? La présente captation ne vaut en effet que par la prestation de Floria. Seule Anja Harteros résiste au flou artistique dispensé par un Thielemann dont l'orchestre émollient échoue à marier les timbres instrumentaux et multiplie afféteries rythmiques ou dynamiques. Le ténor Antonenko braille et débraille son air d'entrée et ne s'amende guère par la suite. Tézier, impeccable vocaliste égaré dans un emploi dont il échoue à traduire le mélange fusionnel de turgescence et de sadisme, fait figure de cadre supérieur de la mafia trop bien chantant pour être malhonnête. Anja Harteros affirme au contraire un tempérament de battante, lirico spinto conférant à sa jalousie de cantatrice mondaine et dévote des accents d'emblée vindicatifs. Dans les serres de Scarpia, elle déploie une énergie qui touche à la vulgarité dans l'expression du mythique « Quanto ? Il prezzo ! » Et alors que « Vissi d'arte », énoncé sur un tapis de cordes élimé, s'efforce d'épouser au mieux le post belcantisme du phrasé et des inflexions, l'absurde grand guignol auquel l'astreint la seconde mise à mort du prédateur la porte au vérisme décadent. Une dérive qui perdure jusqu'à la fin de l'ouvrage. En résumé, une des Floria majeures de l'époque, mais certes pas de la discographie, qui ne saurait sauver la mise.
J.C