Tania van der Sanden, Kris Belligh (Frank) et Caterina Marchesini (Rosalinde). © OBV

Avec cette « production » de La Chauve-Souris, opéra des fêtes de fin d’année par excellence programmé en novembre, l’Opera Ballet Vlaanderen aura finalement devancé tous ses concurrents. Certes, il ne s’agit en fait que d’une version de concert, au mieux d’une mise en espace, mais confiée au metteur en scène Tom Goossens dont on avait particulièrement apprécié la déconstruction des Noces de Figaro la saison dernière, elle ne pouvait manquer de se « théâtraliser » de façon très originale.
 
L'absence de costumes et de décors, n’était une porte factice côté cour puis côté jardin, n’empêche pas le plateau d’être particulièrement animé. Avec la présence de deux comédiens chargés de faire avancer l’action et surtout de la commenter, le metteur en scène introduit un élément moteur qui suffit à assumer le récit et à dynamiser le plateau. D’entrée de jeu, survient le geôlier (incarné de façon bluffante par la comédienne Tania van der Sanden en travesti masculin) pour interrompre le premier dialogue entre Adèle et Rosalinde et nous épargner ainsi de longues séquences parlées en allemand qu’elle se charge de résumer en flamand, dans un texte réécrit où abondent les allusions à l’actualité belge et dont l'esprit de satire et le second degré font mouche, à en juger par les rires dans la salle. Si le rire spontané est réservé aux « flamingants », le clin d'œil à l’omniprésence de la vidéo dans les productions d’opéra de l’OBV et aux salles qui se vident après l’entracte ne nous a pas échappé, pas plus que les remerciements à la marque Bréguet dont les publicités ont envahi les pages du programme de salle. Ce que l’opérette de Strauss y perd en durée n'affecte pas l'intégrité musicale de la partition et est largement gagné du côté du rythme et de la légèreté, laissant tout l’espace a la distribution pour incarner les personnages. D’un ensemble de talentueux jeunes chanteurs, on retient particulièrement l'Adèle pleine de fantaisie de la soprano biélorusse Maria Chabounia, à la voix d'une grande fraîcheur, dont les vocalises dans son air malicieux de l'acte II sont un ravissement. Timbre splendide et musicalité remarquable, le baryton autrichien Wolfgang Stefan Schwaiger, compose un Dr Falke au cynisme élégant et donne une présence presque disproportionnée à son rôle épisodique. La Rosalinde de Caterina Marchesini, large voix de grand lyrique convainc pleinement dans sa Csardas de l’acte II, où elle fait oublier une petite tendance à forcer ses aigus, due peut-être à la présence de l’orchestre sur le plateau. En Prince Orlofsky (devenue Mme Prince, guerre des genres oblige), Lotte Verstaen fait valoir la richesse de son beau mezzo. Brillant, l'Alfred du ténor autrichien David Kerber qui joue à plein la naïveté et excellent comédien, le Frank du baryton belge Kris Belligh . Dans une distribution dont la plupart des éléments n'ont guère dépassé la trentaine, Christoph Strehl fait presque figure de vétéran mais son ténor central et ses airs souffreteux conviennent bien au personnage « sérieux » d'Eisenstein, qui au final sera le dindon de la farce.
 
Sur le plateau, l'orchestre symphonique de l'Opéra Ballet offre un soutien sans faille à cette joyeuse équipe et donne une interprétation pleine de sève et de couleurs de la partition de Johann Strauss sous la baguette vigoureuse d'Alexander Joel.

 

A.C

Christoph Strehl (Eisenstein) et Tania van der Sanden. © OBV