Hanna Zumsande (Iphigenia), Santa Karnite (Deidamia), Geneviève Tschumi (Clytemnestra), Terry Wey (Anaximenes), Mirko Ludwig (Achille, Nestor), Andreas Heinemeyer (Thersites), Dominik Wörner (Agamemnon, Nestor), Barockwerk Hamburg, dir. Ira Hochman.
CPO 555 475-2 (2 CD). 2021. 2h02. Notice en anglais. Distr. DistrArt Musique.
Second (ou troisième) opéra de Carl Heinrich Graun, Iphigénie à Aulis (1728) n’a survécu qu’en partie, récitatifs et chœurs ayant entièrement disparu. En outre, ses deux sources manuscrites diffèrent dans leurs indications vocales : Nestor y est tantôt ténor, tantôt basse. Pas question, donc, d’en proposer une véritable intégrale – ce que l’éditeur se garde d’indiquer… Néanmoins, parfois less is more : Ira Hochman se sort mieux de la confrontation avec Iphigenia que de celle avec Polydorus, qu’elle écourtait sans grand discernement. Le matériau étant ici plus lacunaire, la cheffe s’est bornée à enregistrer, les uns à la suite des autres, 25 des 35 airs et duos préservés, sans tenter de reconstituer un continuum dramatique.
Ainsi servie, la musique de ce Graun de vingt-quatre ans surprend par sa maturité. Les qualités qui resteront les siennes (inspiration mélodique, instrumentation chatoyante, faisant la part belle au violoncelle, au hautbois d’amour, aux flûtes) se doublent ici d’une intensité qu’il sacrifiera plus tard à la joliesse : le duo d’entrée de Nestor et d’Agamemnon, tous les airs de ce dernier ou le complexe « Kann ich dir das Leben » d’Iphigénie mêlent le bel canto à un stile osservato, polyphonique, d’une rare profondeur.
Il faut dire qu’à son habitude, Hochman tire l’opéra vers l’église, avec des tempi retenus, une agogique sage, qui ne rendent justice ni aux emportements de Clytemnestre, ni aux rires dissonants du serviteur Thersites (étonnants morceaux !). L’acoustique ecclésiale, le séduisant orchestre à une voix par partie (hormis les violons) accentuent ce caractère chambriste – qui ne messied pas à l’œuvre. D’autant que les chanteurs, concentrés et fort musiciens, jouent le jeu : radieuse et poignante Iphigénie de la soprano Hanna Zumsande, virtuose et suave Anaximenes/Thoas du contre-ténor Terry Wey (souvent bercé par les pizzicatos), lyrique Achille du ténor Mirko Ludwig, paternel Agamemnon de la basse Dominik Wörner – les autres rôles, plus tributaires du théâtre, apparaissent moins bien servis.
Le thème d’Iphigénie inspirait Graun : il y reviendra vingt-quatre ans plus tard, adaptant en opera seria (en italien, donc) l’Iphigénie de Racine. L’occasion d’une prochaine gravure chez CPO, firme qui semble décidément s’attacher à la redécouverte de ce compositeur ?
O.R