CD Naïve OP 30552. Notice et livret en français. Distr. Naïve.
Faisons d'emblée cesser le suspense : il s'agit sans conteste de la plus belle version d'Euridice qui soit jusqu'ici parue au disque. Elle surclasse en effet sans peine celle, un peu besogneuse, de Nicolas Achten (Ricercar, 2008), sans parler de celle, hors d'âge, de Rodrigo de Zayas (Arion, 1980). On le doit tout d'abord à un Alessandrini olympien, au geste ferme, sûr, sachant faire respirer les silences aussi bien qu'attaquer les phrases et qui, surtout, nous épargne le genre de réalisation redondante, faisant écran à la musique comme à l'émotion, dont sont coutumiers ses cadets. Son instrumentation - qui compte trois théorbes, trois violes et trois claviers - n'en est pas pour autant austère et fait souvent dialoguer deux basses distinctes mais sans entasser les voix.
La forte personnalité des interprètes parachève la réussite, qu'il s'agisse de l'Orfeo pudique de Furio Zanasi (émouvant « Funeste piaggie ») ou du Tirsi radieux de Luca Dordolo, de la sensuelle Vénus de Monica Piccinini ou de la grave Dafne de Sara Mingardo. Si l'on supporte plus difficilement le timbre grasseyant d'Antonio Abete (Pluton) et l'émission terriblement nasale de Gian Paolo Fagotto (Arcetro), admettons qu'ils apportent à cette cérémonie en six scènes une touche populaire bienvenue.
Car le principal défaut du disque tient à... la partition. Rappelons que Giulio Caccini, qui voulait absolument faire valoir sa paternité sur le genre rappresentativo, composa cette Euridice parallèlement à celle de Jacopo Peri et sur le même livret d'Ottavio Rinuccini. S'il semble que ce soit celle de Peri qui ait orné les noces par procuration d'Henri IV avec Marie de Médicis, au palais Pitti en 1600, Caccini se débrouilla pour faire publier sa version avant celle de son rival (dès 1602). Comparée au sublime Orfeo écrit par Monteverdi sept ans plus tard pour la cour de Mantoue, L'Euridice de Peri, avec son récitatif assez plaintif, fait piètre figure. Mais celle de Caccini est bien pire ! Le perfide Giulio était certes doué pour les petites formes (airs et chansons), mais son récit syllabique au souffle court, aux carrures uniformes, presque totalement privé de virages harmoniques et presque toujours lourdement accentué sur l'avant-dernier temps, tient plus, pour une oreille moderne, de la mélopée que de la musique. Au point que l'on pousse un grand « ouf » de soulagement quand les chœurs instillent quelques retards et dissonances dans cette steppe monotone. Bref, en dépit de l'art des interprètes, cette heure vingt à peu près dénuée d'action passe fort lentement...
O.R.