Marie Perbost, Eugénie Lefebvre, Jehanne Amzal (sopranos), Philippe Estèphe, David Witczak (barytons), Clément Debieuvre (ténor), Les Surprises, dir. Louis-Noël Bestion de Camboulas.
Alpha Classics 876, distrib. Outhere (1 CD). 2022. 1h12. Notice en français.
En 1745, alors que l’on célèbre le mariage de son fils (à l’occasion duquel Rameau écrit La Princesse de Navarre et Platée), Louis XV rencontre Jeanne-Antoinette Poisson, qui devient sa favorite et, très vite, marquise de Pompadour. Mécène éclairée, cette dernière affichera toujours un goût prononcé pour la musique de Rameau, qu’elle n’hésite pas à interpréter elle-même. Elle chante notamment dans l’opéra-ballet Les Surprises de l’Amour, créé en 1748 dans le Théâtre des petits appartements de Versailles – et dont l’ensemble de Louis-Noël Bestion de Camboulas tire son nom. Ce qui explique le titre du présent disque, hommage rendu à la belle marquise, décédée la même année que Rameau, en 1764.
Comme beaucoup d’autres œuvres du Dijonnais, Les Surprises de l’Amour a connu différentes versions (au moins quatre !). La plus tardive, celle de 1758, a été enregistrée par Sébastien d’Hérin (Glossa, 2013), mais sans son prologue, Le Retour d’Astrée, ni la dernière entrée, Les Sybarites (remplacée au disque par Anacréon).
Néanmoins, cet acte de ballet était déjà connu dans sa version antérieure, peu différente, Sibaris (1753), gravée par Franck-Emmanuel Comte (2000, Pierre Vérany). Si cette première lecture n’était pas sans mérites (on en aime les sonorités rustiques, le caractère naïf), elle se voit surpassée par la nouvelle, notamment côté chanteurs : David Witczak campe, de sa voix d’airain, un Astole parfaitement arrogant, vite dompté par la sensuelle et lumineuse reine des Sybarites qu’incarne Marie Perbost. L’orchestre des Surprises se montre également plus équilibré que son prédécesseur, avec des cordes graves plus présentes et un son plus homogène. On regrette cependant le manque de caractère des danses, auxquelles Comte, plus enjoué, ajoutait des percussions – une pratique qui, apparemment, n’a plus la cote auprès des baroqueux.
Une même tiédeur affecte parfois Le Retour d’Astrée (un peu de rubato n’aurait pas nui à l’Air pour les Amours), partition qui, passée une formidable première scène, n’est pas dépourvue de longueurs. On y applaudit à nouveau Perbost en Astrée et le Vulcain plein de panache de Philippe Estèphe (notons que ce prologue, destiné à des « amateurs », n’inclut aucun rôle de haute-contre), ainsi qu’un chœur fort expressif, tandis que le Plaisir de Jehanne Amzal nous semble trop sucré et le Temps de Witczak parfois tonitruant.
Fondé en 2010, Les Surprises est un ensemble encore jeune, qui devra peut-être davantage se confronter à la scène pour triompher des « grands » Rameau. En attendant, il multiplie les jolis disques : on encouragera ainsi le lecteur à se plonger dans sa magique Nuit à Venise, qui paraît chez le même éditeur.
O.R