DVD Dynamic 37692. Distr. NewArts Int.
Composé à dix-sept ans, en 1839, sur une partie du livret de l'ouvrage de Louis Niedermeyer (créé à l'Opéra de Paris en mars 1837), Stradella de César Franck nous est parvenu sous la forme d'un manuscrit piano-chant. Les représentations de l'École d'art Lyrique de l'Opéra de Paris données salle Favart en 1985 en avaient offert un arrangement discutable. L'orchestration, réalisée par le compositeur belge Luc van Hove pour cette coproduction de l'Opéra royal de Wallonie et du Palazzetto Bru Zane en septembre 2012, est au contraire remarquablement fidèle à la couleur de l'époque, les rares néologismes sont justifiés pour corser un dénouement sans relief.
S'agissant d'un simple exercice en vue du concours de Rome, il est assez naturel d'y retrouver quelques clichés du grand opéra, enjeu du Prix. Mais si le chœur des Marchands rappelle celui de La Muette de Portici, si le style franco-italien se manifeste à découvert, on est aussi frappé, au début de l'acte III, par le parallèle des accents de Stradella avec ceux de Benvenuto Cellini. Franck, comme Berlioz, avait été l'élève de Reicha et cela s'entend dans leur refus des modulations passe-partout. Ainsi la partition soutient-elle presque toujours l'intérêt. Outre les belles prières de Léonor et les airs de Stradella (dont son incarnation du Christ à la fin), les deux trios sont remarquables : l'un, tragique, opposant les amants au Duc, un peu long seulement, l'autre, comique, entre Spadoni et les deux assassins. Les répliques du second sont si bien agencées pour la musique que Berlioz, peu convaincu par l'opéra de Niedermeyer, n'avait pas ménagé ses louanges. La comparaison serait sans doute à l'avantage de Franck qui révèle ici un tempérament dramatique insoupçonné.
La dimension onirique de la mise en scène ingénieuse de Jaco Van Dormael (décors : Vincent Lemaire), presque constamment aquatique - les amours contrariées du compositeur-chanteur ont pour cadre Venise et il pleut même à torrents sur la lagune ! -, est renforcée par la captation sélective de Frédéric Caillierez. La direction d'acteurs, assez sommaire, passe au second plan derrière la force des images ; seul le Duc, en marchand de ballons, fait un peu patronage. On espère que ces tonnes d'eau tiède n'ont pas endommagé le théâtre remis à neuf comme cela s'est vu ici et là.
La distribution, dominée par Marc Laho qui frôle parfois (à dessein ?) le style « ténor de variété », n'appelle guère de commentaires. Le timbre, le vibrato et l'intonation d'Isabelle Kabatu sont irréguliers, l'excellent Philippe Rouillon (le Duc) n'est pas à son meilleur face à l'impeccable Spadoni de Werner Van Mechelen tandis que les deux ténors-spadassins, Xavier Rouillon et Giovanni Iovino, compensent les piaillements (hélas voulus !) du chœur des élèves de Stradella. L'orchestre offre une belle prestation à des micros qui ne font pas de cadeau, sous la direction sensible et précise de Paolo Arrivabeni. Une belle découverte, en somme.
G.C.