Günther Treptow (Wolfgang Schönbichler), Friedl Riegler (Friederike), Ester Rethy (Violetta), Karl Schmitt-Walter (le Comte de Uttensperg), Franz Bierbach (Kaspar Oberstierberger), Josef Schmidinger (Xaver Pamperl), Erich Kaufmann (Johann Jakob Rindsbichler). Grand orchestre de la Radio viennoise, dir. Felix Prohaska (1949).
CD Myto 00332. Pas de présentation ni de livret. Distr. Abeille Musique.

Bien oublié aujourd'hui, le Viennois Julius Bittner (1874-1939) fait partie de ces musiciens dont l'œuvre, en dépit de sa qualité intrinsèque, semble destinée à ne pas devoir survivre à son créateur. Avocat et juge de profession, il fut un compositeur autodidacte dans la mouvance postwagnérienne et écrivit les livrets de tous ses opéras, dont ce Musikant, créé en 1910 sur la scène de l'Opéra de Vienne par Bruno Walter. L'action se déroule autour de la figure fictive de Wolfgang Schönbichler, musicien de cour autrichien du XVIIIe siècle, qui se voit ravir sa bien-aimée (la cantatrice Violetta) par le comte de Uttensperg, mais qui se console au final dans les bras de la violoniste Friederike. S'il ne peut certes pas se comparer à ses illustres contemporains Richard Strauss, Schreker ou Zemlinsky, Bittner n'en possède pas moins une personnalité musicale assez forte, doublée d'un talent d'orchestrateur évident, notamment dans les grands déferlements dramatiques ou dans les quelques savoureux pastiches de l'époque baroque.

L'orchestre de la Radio de Vienne, si décevant dans Die Opernprobe de Lortzing récemment paru, se révèle sous la direction de Felix Prohaska un ensemble de très bon niveau qui permet de goûter pleinement une partition riche en contrastes et en atmosphères passionnées. À la tête d'une solide distribution, le ténor Günther Treptow est un Schönbichler plein de fougue et dont le manque relatif de subtilité est amplement compensé par son insolente santé vocale. Si les sopranos Friedl Riegler et Ester Rethy sont également séduisantes dans les rôles des deux musiciennes, la première répond mieux que la seconde à l'écriture souvent très exposée de Bittner. Karl Schmitt-Walter campe un Comte dont la morgue n'a d'égale que la beauté de la voix, tandis que Franz Bierbach est un Oberstierberger au splendide timbre de basse profonde. La prise de son un peu lointaine demeure très acceptable pour 1949, au contraire de l'absence d'un synopsis ou de notes explicatives qui aideraient à rendre plus compréhensible un livret passablement verbeux. Cela ne discrédite cependant en rien un enregistrement qui mérite par ailleurs toute notre attention.

L.B.