Laurent Naouri (Capulet) et Amina Edris (Juliette). © Vincent Pontet/OnP
Dernier passage à Bastille de la saison pour entendre la deuxième distribution, finalement modifiée puisque Pretty Yende a cédé sa place à Amina Edris. Mais commençons par les permanences. Dans notre précédent compte rendu, on espérait une amélioration sous forme de détente ou de coloration de la direction musicale, il n’en fut rien. Carlo Rizzi nous a même semblé encore plus routinier qu’à la première, entre temps on se sera rappelé que sa direction de Cendrillon la saison dernière ne nous avait guère passionné. Au contraire, la mise en scène de Thomas Jolly demeure une véritable joie, on ne se lasse pas de ce nocturne inébriant. Parlons aussi de ceux qui étaient déjà là, mais qu’on avait (injustement) occultés, le beau Pâris mâle et stylé de Sergio Villegas Galvain, le solide Gregorio de Yiorgo Ioannou et le Benvolio bien sonnant de Thomas Ricart.
Parmi les nouveaux venus, Florian Sempey (Mercutio) est plus à l’aise dans le finale du III (scène de l’affrontement) que dans la reine Mab, où la voix semble un peu forcée. Marina Viotti fait un remarquable Stéphano, ligne châtiée, registres bien soudés, elle campe – vocalement – un personnage moins jeune que celui de Lea Desandre, mais paraît aussi un peu moins naturelle dans le personnage d’ado mal dégrossi que propose le metteur en scène.
Le couple éponyme a donc changé et il faut s’imposer de ne pas faire de comparaison pour goûter sa soirée. Francesco Demuro fournit un bel effort sur la prononciation, mais l’accent est là. La voix – parfaitement latine et gorgée de soleil – brille, mais quelques maniérismes (sanglots, aigus systématiquement forte et plus encore portandos systématiques) viennent polluer une ligne qui pourtant s’efforce de rentrer dans le style. La performance est toutefois honorable, tout comme pour Amina Edris qui remplace Pretty Yende. La voix est belle et charnue, mais on la sent soucieuse de bien réaliser la mise en scène, ce qui la rend parfois absente de son chant, trop souvent uniforme dans ses intentions qui demeurent trop délicates ou intérieures pour être bien projetées et adressées au public.
Finalement, le constat ne change pas, cette partition magnifique reste bien servie même si on n’atteint pas les cimes de l’autre distribution, et le spectacle scénique s’impose comme une grande réussite.
J.C.
Amina Edris (Juliette) et Francesco Demuro (Roméo). © Vincent Pontet/OnP