Judith van Wanroij (Déidamie, Vénus), Tassis Christoyannis (Polydore), Hélène Guilmette (Ilione), Thomas Dolié (Polymnestor), Cyrille Dubois (Timanthe, Sthénélus), David Witczak (Neptune, l’Ombre de Déiphile), Chloé Briot (Thétis, Théano), Purcell Choir, Orfeo Orchestra, dir. György Vashegyi.
Glossa GCD924014 (3 CD). 2022. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.
De Giovanni Battista Stuck (1680-1755), Livournais acclimaté en France sous le (pré)nom de Baptistin, on ne connaissait jusqu’ici que quelques cantates, dont la savoureuse Héraclite et Démocrite, enregistrée par Les Musiciens du Louvre (Archiv, 1996) et Les Lunaisiens (Alpha, 2007). Favorisé par le Régent, Stuck contribua logiquement à la fusion des styles italien et français, accentuant une tendance qui court de Campra à Rameau.
Il n’a laissé que trois tragédies lyriques, dont la dernière et la mieux reçue, Polydore (1720), bénéficie de l’excellent livret de l’abbé Pellegrin, futur librettiste d’Hippolyte et Aricie – un drame qui regarde lui aussi vers l’autre côté des Alpes puisqu’il évacue toute intervention divine au profit d’une complexe « intrication ». Après la destruction de Troie, le roi de Thrace Polymnestor a épousé la Troyenne Ilione mais souhaite s’allier aux Grecs en mariant son fils à une princesse grecque, Déidamie. Les Grecs ont mis une condition à cette alliance : Polymnestor doit sacrifier le dernier des Troyens, Polydore, frère d’Ilione. Or, Polymnestor ignore que son fils et Polydore ont été échangés au berceau…
Les rebondissements, personnages et affrontements hauts en couleurs de cette tragédie ont inspiré à Stuck une musique polychrome, mariant orchestration lulliste et bel canto, riche en airs da capo, duos vocalisants mais aussi « songes affreux », cérémonies et apparitions. Si la prédominance du mode majeur et le morcellement de la forme frustreront l’auditeur habitué à Rameau, certains passages comme le début de l’acte II (airs d’Ilione et de Polydore) ou les finales des actes III et V frappent par leur originalité.
L’expérience de la scène aurait sans doute permis à l’aimable Vashegyi et à son délicieux orchestre d’accentuer le pathos de l’œuvre et de lui conférer l’unité qui lui manque : ici, le Prologue se traîne un peu et les pages dramatiques manquent parfois de conviction. Dernière réserve : confronté à une écriture redoutable et pas très bien capté, le Purcell Choir ne convainc qu’épisodiquement.
Les solistes, eux, sont remarquables, particulièrement les trois barytons : Christoyannis, Polydore d’une fondante tendresse, Dolié, Polymnestor mâle et traqué, Witczak, incisif Neptune et puissant Grand Prêtre. Guilmette se tire avec brio du rôle flatteur d’Ilione (même si on aimerait un peu plus de consonnes dans son chant), quand van Wanroij cisèle finement ses Vénus et Déidamie. Dans cinq rôles et trois éblouissantes ariettes, Dubois déploie une si riche palette d’inflexions qu’on lui pardonne quelques notes acides. Un casting cinq étoiles pour une séduisante redécouverte.
Il n’a laissé que trois tragédies lyriques, dont la dernière et la mieux reçue, Polydore (1720), bénéficie de l’excellent livret de l’abbé Pellegrin, futur librettiste d’Hippolyte et Aricie – un drame qui regarde lui aussi vers l’autre côté des Alpes puisqu’il évacue toute intervention divine au profit d’une complexe « intrication ». Après la destruction de Troie, le roi de Thrace Polymnestor a épousé la Troyenne Ilione mais souhaite s’allier aux Grecs en mariant son fils à une princesse grecque, Déidamie. Les Grecs ont mis une condition à cette alliance : Polymnestor doit sacrifier le dernier des Troyens, Polydore, frère d’Ilione. Or, Polymnestor ignore que son fils et Polydore ont été échangés au berceau…
Les rebondissements, personnages et affrontements hauts en couleurs de cette tragédie ont inspiré à Stuck une musique polychrome, mariant orchestration lulliste et bel canto, riche en airs da capo, duos vocalisants mais aussi « songes affreux », cérémonies et apparitions. Si la prédominance du mode majeur et le morcellement de la forme frustreront l’auditeur habitué à Rameau, certains passages comme le début de l’acte II (airs d’Ilione et de Polydore) ou les finales des actes III et V frappent par leur originalité.
L’expérience de la scène aurait sans doute permis à l’aimable Vashegyi et à son délicieux orchestre d’accentuer le pathos de l’œuvre et de lui conférer l’unité qui lui manque : ici, le Prologue se traîne un peu et les pages dramatiques manquent parfois de conviction. Dernière réserve : confronté à une écriture redoutable et pas très bien capté, le Purcell Choir ne convainc qu’épisodiquement.
Les solistes, eux, sont remarquables, particulièrement les trois barytons : Christoyannis, Polydore d’une fondante tendresse, Dolié, Polymnestor mâle et traqué, Witczak, incisif Neptune et puissant Grand Prêtre. Guilmette se tire avec brio du rôle flatteur d’Ilione (même si on aimerait un peu plus de consonnes dans son chant), quand van Wanroij cisèle finement ses Vénus et Déidamie. Dans cinq rôles et trois éblouissantes ariettes, Dubois déploie une si riche palette d’inflexions qu’on lui pardonne quelques notes acides. Un casting cinq étoiles pour une séduisante redécouverte.
O. R