CD New World Records 80733-2 (2 CD). Notes et livret en anglais. Distr. DistrArt Musique.
Compositeur très prolifique d'opérettes, Victor Herbert (1859-1924) naquit à Dublin, étudia le violoncelle à Stuttgart et joua à Vienne dans l'orchestre d'Édouard Strauss avant d'émigrer aux États-Unis en 1886. Il se retrouva alors dans la fosse du Met tandis que son épouse, la soprano Therese Förster, était la toute première Aïda de l'illustre compagnie. Ses pulsions créatrices l'éloignèrent bientôt de son violoncelle et il alimenta la scène américaine de dizaines d'œuvres dont on retient notamment Babes in Toyland (1903), Naughty Marietta (1910) et deux opéras : Natoma, créé à Philadelphie en 1911 avec Mary Garden et John McCormack, ainsi que Madeleine, joué sans grand succès sur la scène du Met en 1914.
Bien qu'exilé en terre d'Amérique, Herbert demeura toujours très attaché à ses origines irlandaises, comme en fait foi Eileen, « romantic comic opera » créé à Cleveland en 1917 et qui évoque sur un mode pour le moins fantaisiste la rébellion de 1798 contre le pouvoir britannique. À partir d'un roman écrit par le grand-père du compositeur (Samuel Lover), le librettiste Henry Blossom a concocté une intrigue sans grand intérêt, dans une langue dont la mièvrerie confine parfois au ridicule, et dont le happy end est en totale contradiction avec la défaite historique : gracié par le roi George III, l'insurgé Barry O'Day retrouve sa bien-aimée Eileen et l'œuvre se termine sur le chant d'allégresse, fort entraînant au demeurant, « 'Tis a great day tonight for the Irish ». Cet hymne patriotique représente probablement la meilleure page d'une partition guère mémorable et qui s'apparente souvent à une simple musique de scène.
L'Orchestra of Ireland et le chef David Brophy s'y montrent néanmoins remarquables d'engagement et d'ardeur. De l'ardeur, les chanteurs en ont à revendre, mais ils se trouvent presque tous dépassés par les faibles exigences de leur rôles respectif, à l'exception notable du ténor Dean Power qui campe le jeune patriote Dinny Doyle avec fougue et un parfait contrôle vocal. Destiné avant tout aux passionnés du répertoire américain du début XXe siècle ou à ceux que font vibrer l'histoire d'Irlande, cet enregistrement constitue une curiosité dont le principal mérite réside dans la qualité de son orchestre.
L.B.