Céline Scheen (Vénus), Marc Mauillon (Adonis), Grégoire Augustin (Cupidon), Maîtrise de Caen, Les Musiciens du Paradis, dir. Bertrand Cuiller ; mise en scène: Louise Moaty (Caen, 2013).
DVD Alpha 703. (+ Ode à Sainte Cécile). Notice en français. Distr. Outhere.

Premier véritable opéra anglais, le mask en un prologue et trois actes (une heure en tout) Venus & Adonis fut créé en 1683 devant Charles II par la propre maîtresse de ce dernier dans le rôle de Vénus et sa fille naturelle dans celui de Cupidon - servant de modèle au Dido & Aeneas de Purcell, composé dans les mêmes proportions, pour le même genre de distribution et, peut-être, commence-t-on à penser, pour le même cadre... Mais les veines respectives de Blow et Purcell, maître et élève, amis et collègues dans la vie (on connaît l'ode déchirante composée par le premier pour la mort du second) diffèrent comme le jour et la nuit, le pathos théâtral d'Henry contrastant avec la grâce distanciée de John.

Les Musiciens du Paradis se lovent avec naturel dans cette musique sensuelle et morbide, qu'il s'agisse de l'orchestre de dix-huit musiciens, conduits avec une souplesse exquise par Bertrand Cuiller (merveilleux grounds !) ou d'un chœur de dix membres parfaitement équilibré (auquel se joint la Maîtrise de Caen à l'acte II), dont se détachent souvent de talentueux solistes (les deux ténors Robert Getchell et David Tricou doivent être cités). Côté têtes d'affiche, on est plus déçu par la voix plate et engorgée (peu flattée par la prise de son, il est vrai) de Marc Mauillon qui, décidément, peine désormais dans ces emplois de basse, et par le maladroit treble issu de la Maîtrise, guère spirituel dans la leçon d'alphabet des amours de l'acte II. On n'a d'yeux et d'oreilles que pour la Vénus à tout point de vue sculpturale de Céline Scheen, dont la voix corsée et ductile tombe sans un pli sur son rôle voluptueux - magnifique ! A son habitude, désormais, la disciple de Benjamin Lazar, Louise Moaty se révèle une excellente illustratrice - mais toujours pas une metteuse en scène. Son joli dispositif scénique - une sorte de cabinet de curiosités entassant boîtes en bois, reliquaires, vieux livres, astrolabes sur un délectable fond de nuit et de feuillages - s'avère sans signification particulière et peu praticable, les acteurs se voyant réduits à y prendre la pose (baroque, cela va sans dire) afin de mimer telle peinture de Véronèse, Titien, Cranach, Van Dyck ou de l'Ecole de Fontainebleau... L'éclairage aux bougies, qui nous avait semblé exagérément sombre à l'Opéra-Comique, ne paraît pas avoir mieux réussi au Théâtre de Caen, embarrassant une captation (de François-René Martin) qui s'ingénie à faire alterner rares plans d'ensemble et portraits nimbés de halos. En dépit de la présence sur scène de chiens et de colombes vivants ( !), tout cela manque passablement de chair et se prend un peu trop au sérieux... Reste donc de délicieuses vignettes, assorties d'importants bonus dont la vaste et très belle Ode à Sainte Cécile « Begin the Song » (à notre connaissance inédite), qui servait de première partie au spectacle.

O.R.