CD Dynamic CDS 7665/1-2. Livret disponible sur www.dynamic.it. Distr. NewArts Int.
Paradoxalement, le Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon avait proposé en 2007 la version italienne du Duc d'Albe, sous la baguette d'Enrique Mazzola. Ressuscité dans les années 1950 (le plus ancien live date de 1951 à Rome, dirigé par Fernando Previtali), ce Duca d'Alba remontait à 1882, quand le Teatro Apollo (de Rome, justement) allait créer la partition laissée inachevée par Donizetti en 1839, après l'avoir fait compléter (par Matteo Salvi) et transposer en italien (par Angelo Zanardini). Pourtant c'est bien en français, sur un livret signé Eugène Scribe et Charles Duveyrier - ils en feraient d'ailleurs Les Vêpres siciliennes de Verdi -, que Donizetti avait entamé son premier grand-opéra parisien - avant Les Martyrs, La Favorite et Don Sébastien, roi du Portugal. Le travail de Salvi relevant du franc remaniement, Thomas Schippers proposa sa propre version de l'ouvrage à Spoleto en 1959 ; Eve Queler opéra ensuite un semblable retour vers la source musicale, mais toujours en italien. Un musicologue spécialiste de ce répertoire s'est enfin penché sur la question, et l'édition critique de Roger Parker a servi de base à la production ici captée, qui nous vaut le premier enregistrement mondial du Duc d'Albe dans sa version originale. On y réentendra, du coup, ces passages que Donizetti avait réutilisés dans La Favorite, auparavant omis ; ou ce livret original qui fait décidément sonner à nos oreilles Les Vêpres verdiennes... Au Vlaamse Opera, la partition a été complétée par Giorgio Battistelli, de façon clairement personnelle - mais avec une puissance expressive et un sens du hiératisme qui sied bien au grand-opéra donizettien. L'auditeur est désormais en mesure d'apprécier Le Duc d'Albe en toute connaissance de cause, et son souffle inspiré qui alterne effets de masses en tension et moments intimistes de la meilleure veine.
La production flamande a visé haut : cela se sent au travail stylistique comme à une diction soignée, y compris chez les non-francophones, qui permet de comprendre de bout en bout action et dialogues - un luxe rare, aujourd'hui. Paolo Carignani soigne la tension dramatique de la soirée, et si Rachel Harnisch et Ismael Jordi ont parfois des fragilités, cela n'oblitère en rien leur engagement au long cours et la qualité de leur prestation. On remarque toutefois avant tout le Duc de Georges Petean, superbe de timbre et de majesté. Une réalisation à saluer absolument.
C.C.