Véronique Gens (Elle), Orchestre national de Lille, dir. Alexandre Bloch (Lille, Auditorium du Nouveau Siècle, 7, 8, 25-29 janvier 2021).
Alpha ALPHA899. Présentation trilingue (fr., angl., all.). Distr. Outhere.
L’ombre de Denise Duval planera toujours sur La Voix humaine. Mais il y eut Felicity Lott, il y a maintenant Véronique Gens. Pour l’art de la déclamation, l’unisson du mot et de la note, elle n’a guère à leur envier. Elle saisit le secret des multiples indications émaillant la partition de Poulenc (« très intense », « pathétique », « très calme et très tendre », « dans un souffle »…) qui expriment le regret, le désespoir, la souffrance, la culpabilité. Elle y évite toute surenchère, gardant une grande noblesse, parfois même une sorte de pudeur dans l’intensité – c’est toujours sa carte de visite. La femme abandonnée est ici fragile, plus résignée que son illustre devancière. De là, chez elle, naît l’émotion. Peu importe, alors, que l’aigu ait perdu de sa gloire, qu’elle accuse quelque fatigue – cela siérait presque, finalement, au tragique de la situation – tant elle sait jouer subtilement sur les couleurs de la voix. Alexandre Bloch, qui a hissé la phalange lilloise au niveau des meilleures de l’hexagone, respire avec elle, créant une tension, parant la pièce en un acte de Cocteau des teintes sombres du désespoir. À peine regrette-t-on, quand on les a entendus en concert, d’être moins étreint que dans la salle. On attendait évidemment La Dame de Monte-Carlo, cette Voix humaine miniature, mais reconnaissons que la Sinfonietta, entre lyrisme et gouaille, à défaut de constituer le complément idéal, est savoureuse. L’année Poulenc, mort il y a tout juste soixante ans, commence bien.
Didier van Moere