DVD Erato 46323234. Distr. Warner Music.
Artaserse, le plus célèbre livret de Métastase (et du XVIIIe : on en dénombre cent dix versions !), a été créé à Rome en 1730, sur une musique de son complice préféré, Leonardo Vinci (1696 ?-1730) - qui devait décéder peu après. Selon les principes en vigueur dans la Cité des papes, la distribution d'origine, mettant en vedette Carestini (Arbace) et Farfallino (Mandane), était entièrement masculine. C'est aussi le cas de cette restitution qui, évidemment, substitue cinq falsettistes aux castrats de l'époque. Ainsi que le signalait justement Denis Morrier lors de la parution du coffret discographique (L'ASO n° 274), le résultat est impressionnant bien qu'un peu démonstratif et monochrome : tous ces messieurs (cinq « mezzos », donc, et un ténor) font montre d'une technique à toute épreuve, d'une virtuosité éblouissante mais, sous la férule implacable de Fasolis, peinent à conférer à cette musique brillante le supplément d'âme qu'elle réclame.
La captation du spectacle proposé par l'Opéra de Lorraine en novembre 2012 ne change pas la donne. Car, toute fantaisiste qu'elle soit, la scénographie du Roumain Silviu Purcarete tient trop du concert en costumes - et quels costumes ! Au début et à la fin, les parures semblent mêler souvenirs du Kabuki, de Star Wars, des dessins d'Enki Bilal et d'Astérix - tandis qu'à l'acte II (pourquoi ?), on joue la carte du rococo dix-huitièmiste, ponctué de second degré (des régisseurs à oreillette viennent maquiller les divi en scène). La réalisation remarquable de Louise Narboni ne suffit pas à faire une dramaturgie de cette succession d'images bariolées - mais admettons que le livret très rhétorique de Métastase reste difficile à animer...
Musicalement, les défauts et les qualités du disque se voient également accentués : Cencic et, surtout, Fagioli, dopés par la scène, apparaissent encore plus époustouflants, bien que pas toujours agréables à regarder, tandis que Barna-Sabadus se montre plus imprécis et Fasolis plus incisif (et aussi plus uniformément nerveux) que jamais. Seul nouveau venu, le ténor Juan Sancho diffère grandement de son rival (Daniel Behle) : son timbre est moins rond, moins riche, moins corsé, mais l'interprète, très engagé, multiplie les excitantes interpolations aiguës (contre-ré, contre-ut - pas tous réussis...). En somme, si les amateurs de baroque échevelé (et emplumé) ne sauraient se passer de cette parution, ils pourront sans regret choisir entre la version audio et son doublon en vidéo.
O.R.