Lawrence Brownlee (Lord Arturo Talbot), Sarah Coburn (Elvira), Azamat Zheltyrguzov (Sir Riccado Forth), Tadas Girininkas (Sir Giorgio Walton), Liudas Norvaišas (Lord Gualtiero Walton), Tomas Pavilionis (Sir Bruno Robertson), Jovita Vaškevičiūtė (Enrichetta di Francia). Chœur d'état de Kaunas, Orchestre symphonique de la ville de Kaunas, dir. Constantine Orbelian. Enregistré en juillet 2017. Notice en anglais. Livret en italien et en anglais.
Delos 3537. Distr. Outhere.
D'évidence, cette nouvelle intégrale des Puritains a été conçue autour de la personnalité de Lawrence Brownlee, à qui la firme Delos a déjà « offert » deux récitals en solo en 2014 et 2016. Le rôle d'Arturo, conçu par Bellini pour le légendaire Giovanni Battista Rubini convient idéalement au ténor afro-américain qui possède, outre une belle voix de ténor lyrique au timbre chaud, une science consommée du bel canto, un legato parfait associé à une technique de vocalisation impeccable, et, pour ce rôle particulièrement aigu, toutes les contre-notes les plus stratosphériques de la partition dont le fameux fa aigu du grand ensemble du troisième acte. Mais un excellent ténor ne fait pas un opéra, d'autant plus qu'il disparaît pendant tout le deuxième acte, cédant la place à la prima donna et à sa célèbre scène de la folie. Dans un rôle mythique où se sont illustrés les plus grands sopranos du vingtième siècle, Sarah Coburn ne démérite pas. Certes le timbre manque un peu de personnalité et paraît voilé, surtout au centre de la tessiture, mais son registre aigu brillant et sa science de la colorature, la qualité de ses variations dont elle donne un bel exemple dans la reprise de la cabalette (« Vien diletto ») suffisent à en faire une partenaire à la hauteur du ténor et elle s'investit dans le rôle de façon très convaincante. À n'en pas douter, une telle performance sur scène lui vaudrait un succès sans réserve. Autour d'eux l'essentiel de la distribution est constitué de chanteurs lituaniens, sans doute de la troupe de l'opéra de Kaunas parmi lesquels on distinguera la belle basse noble de Tadas Girininkas en Giorgio Walton. Le baryton kazakh Azamat Zheltyrguzov paraît en revanche un peu léger en Riccardo manquant d'assise dans le grave et de mordant, et chantant son rôle avec assez peu de conviction, ce que décèlent les nombreuses approximations dans le texte et un survol des vocalises de son premier air. Il s'améliore toutefois au deuxième acte, notamment dans son duo avec la basse (« Suoni la tromba ») où apparemment son partenaire le stimule et où les deux voix se marient avec bonheur. On passera sur une Enrichetta qui semble susurrer son rôle plus qu'elle ne le chante (sans doute un parti-pris pour incarner la fragilité du personnage ?) pour donner toutes les louanges à un chœur remarquablement préparé et à un orchestre de très grande qualité. Dans une œuvre où on a souvent l'impression que le chef se contente d'accompagner les chanteurs et d'unifier tant bien que mal les différents numéros de la partition, Constantine Orbelian, s'appuyant notamment sur une édition sans coupure, construit un véritable arc dramatique et révèle un opéra qui possède effectivement une tension interne et une construction recherchée malgré un livret sans surprise et une fin à l'emporte-pièce. S'il ne s'agit pas d'une référence absolue, cette nouvelle version mérite sûrement un petit détour, que l'on connaisse ou non cet opéra encore finalement plutôt rare malgré une assez une riche discographie qu'elle complète heureusement par son intégrité.
Alfred Caron