Fleur Barron (Pirro), Miriam Allan (Sestia), Morgan Pearse (Caio Fabbricio), Anna Gorbachyova-Ogilvie (Volusio), Hannah Poulsom (Bircenna), Helen Charlston (Turio), Jess Dandy (Cinea), London early Opera, dir. Bridget Cunningham.
Signum Classics SIGCD713. 2021. Notice en anglais. Distr. UVM Distribution.
Les quelques quarante opéras conservés de Haendel ayant tous été enregistrés (plusieurs fois), il restait à ressusciter la douzaine de pasticci qu’il supervisa au cours de sa carrière londonienne. Cinq ont déjà eu les honneurs du disque ; voici le sixième. Dans les années 1732 à 1737, confronté à la redoutable concurrence de l’Opéra de la noblesse coaché par Porpora, Haendel doit en effet multiplier les productions : en marge de ses propres ouvrages, il en propose d’autres dus à des compositeurs plus jeunes. Après avoir révisé et monté, en 1729, le Lucio Papirio de Giacomelli et le Catone in Utica de Leo, il s’attaque en 1733 au Caio Fabbricio de Hasse. Il conserve 13 des 21 arie de la version originelle, créée l’année précédente à Rome, complétant la partition par des morceaux dus à Vinci (superbe « Per amor il cor sospira »), Pollarolo, Corselli, Albinoni, Sellito et Leo (« Vorrei da lacci sciogliere », que Vivaldi insérera aussi dans sa Dorilla de 1734). Haendel n’insère aucun air de sa plume dans ce pasticcio, dont il n’écrit probablement que les récitatifs, très abrégés – ce qui rend la mention de son nom, en gros sur la jaquette, un peu abusive… Le charme de la partition en justifiait cependant l’édition moderne, menée à bien en 2019 par les meilleurs musicologues actuels. On regrette néanmoins que l’enregistrement en ait été confié à une équipe si modeste, comptant deux sopranos, quatre mezzos et un baryton au chant soigné mais au timbre, à la diction et au tempérament fort peu latins. Seule Fleur Barron fait montre d’un réel abattage dans le rôle magnifique de Pyrrhus, conçu pour Giovanni Carestini – anticipant sur ceux de Teseo, Ariodante et Ruggiero que Haendel va écrire sur mesure pour ce castrat. La Sestia de Miriam Allan gazouille joliment mais reste trop mièvre pour évoquer la légendaire Anna Strada del Po (future Alcina), tandis que Anna Gorbachyova-Ogilvie se montre bien acide en jeune premier. Quant à Morgan Pearse, dans le rôle sévère d’un consul romain qui préfère livrer sa fille à l’ennemi plutôt que de manquer à l’honneur, il n’a à chanter qu’un air dont le da capo a été coupé. Mais c’est surtout l’apport instrumental qui déçoit : confiné au fond d’un espace trop réverbéré, l’orchestre, anonyme, ne fait guère d’étincelles et la direction timide de Bridget Cunningham peine à véhiculer le moindre affect. C’est d’autant plus dommage que la musique policée de Hasse, encore proche de Pergolèse, offre de soudains éclats – « Caro sposo » et « Lo sposo va a morte » de Sestia, « Non ha più pace » de Pirro, déjà exhumé par Simone Kermes – qui, ici, ne sont guère mis en valeur.
Signum Classics SIGCD713. 2021. Notice en anglais. Distr. UVM Distribution.
Les quelques quarante opéras conservés de Haendel ayant tous été enregistrés (plusieurs fois), il restait à ressusciter la douzaine de pasticci qu’il supervisa au cours de sa carrière londonienne. Cinq ont déjà eu les honneurs du disque ; voici le sixième. Dans les années 1732 à 1737, confronté à la redoutable concurrence de l’Opéra de la noblesse coaché par Porpora, Haendel doit en effet multiplier les productions : en marge de ses propres ouvrages, il en propose d’autres dus à des compositeurs plus jeunes. Après avoir révisé et monté, en 1729, le Lucio Papirio de Giacomelli et le Catone in Utica de Leo, il s’attaque en 1733 au Caio Fabbricio de Hasse. Il conserve 13 des 21 arie de la version originelle, créée l’année précédente à Rome, complétant la partition par des morceaux dus à Vinci (superbe « Per amor il cor sospira »), Pollarolo, Corselli, Albinoni, Sellito et Leo (« Vorrei da lacci sciogliere », que Vivaldi insérera aussi dans sa Dorilla de 1734). Haendel n’insère aucun air de sa plume dans ce pasticcio, dont il n’écrit probablement que les récitatifs, très abrégés – ce qui rend la mention de son nom, en gros sur la jaquette, un peu abusive… Le charme de la partition en justifiait cependant l’édition moderne, menée à bien en 2019 par les meilleurs musicologues actuels. On regrette néanmoins que l’enregistrement en ait été confié à une équipe si modeste, comptant deux sopranos, quatre mezzos et un baryton au chant soigné mais au timbre, à la diction et au tempérament fort peu latins. Seule Fleur Barron fait montre d’un réel abattage dans le rôle magnifique de Pyrrhus, conçu pour Giovanni Carestini – anticipant sur ceux de Teseo, Ariodante et Ruggiero que Haendel va écrire sur mesure pour ce castrat. La Sestia de Miriam Allan gazouille joliment mais reste trop mièvre pour évoquer la légendaire Anna Strada del Po (future Alcina), tandis que Anna Gorbachyova-Ogilvie se montre bien acide en jeune premier. Quant à Morgan Pearse, dans le rôle sévère d’un consul romain qui préfère livrer sa fille à l’ennemi plutôt que de manquer à l’honneur, il n’a à chanter qu’un air dont le da capo a été coupé. Mais c’est surtout l’apport instrumental qui déçoit : confiné au fond d’un espace trop réverbéré, l’orchestre, anonyme, ne fait guère d’étincelles et la direction timide de Bridget Cunningham peine à véhiculer le moindre affect. C’est d’autant plus dommage que la musique policée de Hasse, encore proche de Pergolèse, offre de soudains éclats – « Caro sposo » et « Lo sposo va a morte » de Sestia, « Non ha più pace » de Pirro, déjà exhumé par Simone Kermes – qui, ici, ne sont guère mis en valeur.
Olivier Rouvière