Erwin Schrott (Don Giovanni), Roberto Tagliavini (Leporello), Malin Byström (Donna Anna), Myrtò Papatanasiu (Donna Elvira), Daniel Behle (Don Ottavio), Louise Alder (Zerlina), Leon Košavić (Masetto), Petros Magoulas (le Commandeur). Orchestre et chœur du Royal Opera House, dir. Hartmut Haenchen, mise en scène, Kasper Holten (Covent Garden, 25 septembre et 8 octobre 2019).
Opus Arte OA1344D. 2019. 2h58 + 2 courts bonus (9'). Synopsis en anglais. Sous-titres français. Distr. DistrArt Musique.
Déjà filmé une première fois par Opus Arte au moment de sa création en 2014, ce Don Giovanni de Kasper Holten se déroule dans une vaste demeure labyrinthique où les nombreuses pièces, portes secrètes, escaliers dérobés et antichambres mystérieuses traduisent en images la psyché insaisissable du burlador. C'est du moins ce qu'affirme dans un court documentaire le metteur en scène, qui fait constamment pivoter et se transformer ladite maison dans laquelle évoluent les personnages vêtus de luxueux costumes inspirés des XIXe et XXe siècles. Très présentes tout au long du spectacle, les projections envahissent d'abord tout l'espace scénique de multiples prénoms féminins – les conquêtes du séducteur – puis contribuent à créer des atmosphères le plus souvent sombres, oppressantes, voire glaçantes, comme au cimetière ou dans la scène finale. Assez peu prédateur sexuel, Don Giovanni est ici pourchassé par une Donna Anna avide de baisers et une Zerlina très entreprenante. Dépouillé en outre d'une grande partie de sa morgue, le héros compatit à la mort du Commandeur et s'avère tourmenté par sa conscience comme le prouvent avec éloquence les dernières minutes, où, seul devant des portes et fenêtres closes, il se désespère en entendant la moralité finale qui provient des coulisses. Plutôt attrayante sur le plan scénographique, la vision de Holten nous semble cependant pour le moins réductrice, car elle fait de Don Giovanni un être trop souvent passif et presque pusillanime.
Opus Arte OA1344D. 2019. 2h58 + 2 courts bonus (9'). Synopsis en anglais. Sous-titres français. Distr. DistrArt Musique.
Déjà filmé une première fois par Opus Arte au moment de sa création en 2014, ce Don Giovanni de Kasper Holten se déroule dans une vaste demeure labyrinthique où les nombreuses pièces, portes secrètes, escaliers dérobés et antichambres mystérieuses traduisent en images la psyché insaisissable du burlador. C'est du moins ce qu'affirme dans un court documentaire le metteur en scène, qui fait constamment pivoter et se transformer ladite maison dans laquelle évoluent les personnages vêtus de luxueux costumes inspirés des XIXe et XXe siècles. Très présentes tout au long du spectacle, les projections envahissent d'abord tout l'espace scénique de multiples prénoms féminins – les conquêtes du séducteur – puis contribuent à créer des atmosphères le plus souvent sombres, oppressantes, voire glaçantes, comme au cimetière ou dans la scène finale. Assez peu prédateur sexuel, Don Giovanni est ici pourchassé par une Donna Anna avide de baisers et une Zerlina très entreprenante. Dépouillé en outre d'une grande partie de sa morgue, le héros compatit à la mort du Commandeur et s'avère tourmenté par sa conscience comme le prouvent avec éloquence les dernières minutes, où, seul devant des portes et fenêtres closes, il se désespère en entendant la moralité finale qui provient des coulisses. Plutôt attrayante sur le plan scénographique, la vision de Holten nous semble cependant pour le moins réductrice, car elle fait de Don Giovanni un être trop souvent passif et presque pusillanime.
Pour conférer une plus grande richesse psychologique au rôle-titre, il aurait fallu un autre interprète qu'Erwin Schrott, qui dégage certes une sensualité débordante, mais qui ne réussit pas à convaincre dans sa quête éperdue de plaisir et de liberté, comme en témoigne par exemple un air du champagne bien peu enivrant. En bonne forme vocale, il ne se montre toutefois pas (fidèle à ses habitudes...) le musicien le plus exact. En dépit d'un grave peu sonore, Roberto Tagliavini est un Leporello de grande classe, à qui l'on reprochera peut-être un jeu trop uniment sérieux et quelques ornementations étonnantes. Seule soliste de la distribution de 2014, Malin Byström est une Donna Anna impétueuse au timbre sombre et dont l'agilité vocale se rit des écueils de l'écriture mozartienne. À ses côtés, Daniel Behle est un modèle de grâce et de distinction en Don Ottavio : doté d'une longueur de souffle remarquable, il atteint à l'extase dans « Dalla sua pace » et « Il mio tesoro ». Particulièrement véhémente, l'Elvira de Myrtò Papatanasiu ne se situe pas sur ces hauteurs en raison d'un vibrato prononcé et d'aigus parfois mal contrôlés. Parfaitement assortie au superbe Masetto de Leon Košavić, Louise Alder est une Zerlina idéale de pureté vocale. En Commandeur, Petros Magoulas compense par son autorité et sa puissance une voix aux couleurs peu homogènes. Dans la fosse du Royal Opera House, Hartmut Haenchen maintient un bel équilibre entre les différentes sections, mais aurait avantage à alléger la pâte orchestrale, à adopter certains rythmes plus allants et à obtenir un meilleur fondu vocal, notamment dans le trio des masques. Autre source de mécontentement : il opère une coupure malencontreuse en enchaînant brutalement le chœur infernal à la morale déjà mentionnée (« Questo è il fin di chi fa mal ! »). Pour toutes ces raisons, et malgré d'indéniables qualités, cette version ne constitue pas un apport indispensable à la vidéographie de Don Giovanni.
Louis Bilodeau