Marina Rebeka (Julia), Christophe Rousset et Aude Extrémo (La Grande Vestale). © Gil Lefauconnier

Grande absente du répertoire de l’Opéra de Paris – et de celui de l’Avant‑Scène Opéra, hélas ! – La Vestale marque pourtant une étape fondamentale dans l’histoire du grand opéra français. Son audition permet de saisir ce que Spontini doit au passé – Gluck et un héritage classique souligné ce soir par une diction de l’alexandrin particulièrement soignée – et les libertés qu’il prend avec ses modèles, notamment une conduite mélodique émancipée dont on entend l’écho chez Berlioz. On pressent aussi quel impact visuel ce livret jouant de la majesté des temples romains, des foules militaires et religieuses, put avoir sur le public parisien de 1807. Celui de 2022 doit se contenter de regretter qu’une partition aussi importante que celle de La Vestale n’ait pas pu faire l’objet d’une présentation mise en scène, toute la musique du premier acte s’en trouverait sans doute mieux appréciée tant elle joue sur des effets spectaculaires qui, sans le secours de la scène, perdent en lisibilité. Les deuxième et troisième actes déploient en revanche des trésors lyriques : on oscille entre divers styles, des grands airs brillants, aux récits déclamés, en passant par les duos intimes, ou les scènes épiques et spectaculaires.

Pour servir cette partition, le Palazzetto Bru Zane – toujours soucieux d’authenticité historique – a réuni des artistes dont la vocalité s’inscrit dans les pas des créateurs des rôles. Ainsi, Stanislas de Barbeyrac, habitué des répertoires mozartien et gluckiste, est un Licinius de choix, dont l’héroïsme s’accorde au superbe métal de sa voix de ténor. Marina Rebeka propose une Julia de luxe toute en nuances. Sa voix s’adapte sans peine à ce rôle de tragédienne par excellence, tour à tour amoureuse frémissante ou prête au sacrifice. Conformément à la partition, on entend avec elle combien le rôle est à la charnière entre un héritage classique et les développements belcantistes qui commencent à poindre à l’horizon. Aude Extrémo prête à la Grande Vestale sa voix ample, prodiguant ainsi un caractère à la fois maternel et autoritaire. Nicolas Courjal campe un Grand Pontife dont la sévérité confine parfois à la cruauté, soulignant de son timbre obscur la noirceur du personnage. Enfin, Tassi Christoyannis est un Cinna crédible et David Witczak s’acquitte de ses interventions avec tenue.

Les chœurs de la radio flamande font preuve d’un bel engagement et d’une précision qui rendent justice à cette fresque romaine. Christophe Rousset démontre un grand souci du détail à la tête des Talens lyriques, perdant parfois le sens de la narration et du souffle épique. Néanmoins, l’énergie constante et la beauté des couleurs obtenues font oublier le morcellement relatif du discours. 

Jules Cavalié


Christophe Rousset et les Talens Lyriques. © Gil Lefauconnier