DVD Arthaus Musik 102179. Distr. Harmonia Mundi.
Trois protagonistes principaux dans Peter Grimes : le pêcheur, l'enfant et l'océan. Bien des metteurs en scène ont essayé de faire entrer le ressac et la tempête sur la scène, le seul qui y ait réussi, à notre sens, reste Willy Decker dont les immenses ciels balayés d'orages et les chœurs resserrés et défaits par la fureur des éléments sont restés anthologiques mais ignorés des caméras. Margaret Williams a pris les choses à l'envers : puisque l'océan n'entre pas au théâtre, le théâtre ira à l'océan. Elle a donc planté sa scène, mi-bateau échoué, mi-ponton, ou baraques de pêcheurs agglomérées, sur la plage d'Aldeburgh, devant et presque dans l'océan, à quelques encablures du cottage de Britten et de Pears. On entend les vagues, on les voit, et si on ajoute le crépuscule, la nuit qui vient à mesure que l'action s'assombrit - timing très exact entre jour, ténèbres et marée, horizon, nuages et étoiles -, l'interprétation musicale se trouve considérablement revivifiée par l'image d'autant que Margaret Williams a tiré de sa mise en scène un vrai film et non une captation classique.
La bande-son diffère ici quelque peu de celle de l'album Signum : Giselle Allen sonne en bien moins bonne forme vocale, et sa scène avec Grimes devant l'église la montre en voix éraillée, mais toujours aussi émouvante. On est avant tout devant un travail d'équipe, artistement réglé par Steuart Bedford malgré un orchestre revêche, où le Peter Grimes fragile d'Alan Oke, qu'on verra bientôt à l'Opéra de Lyon, le Balstrode âpre de David Kempster, la Miss Sedley perdue de Catherine Wyn-Rogers campent autant de personnages subtilement dessinés par une direction d'acteur au cordeau, transcrite par des caméras virtuoses. Une expérience.
J.-C.H.