Gwendoline Blondeel (l’Âge d’or), Lucile Richardot (la Vertu), Luigi De Donato (la Seine), Nicholas Scott (ténor), Orchestre de l’Opéra Royal, dir. Diego Fasolis.
Château de Versailles Spectacles CVS064. (1 CD). 1h21. 2021. Notice en français. Distr. Outhere.
Des trois sérénades de Vivaldi qui nous ont été conservées (sur la dizaine qu’on lui prête), La Seine en fête est la plus ambitieuse. Si elle a sans doute été commandée par l’ambassadeur de France à Venise, on ne sait encore ni pour quelle occasion, ni à quelle date – 1724 restant l’hypothèse la plus probable, le livret faisant allusion à l’intronisation de Louis XV (fin 1723) mais non à son mariage (1725). Sur un texte flagorneur de son complice Domenico Lalli, le Prêtre roux a drapé une somptueuse partition riche de onze airs, trois duos, trois chœurs et deux sinfonie (une pour chacune des parties). L’abondance des récitatifs accompagnés, la richesse de l’orchestration et, surtout, la facture de nombreux mouvements (« Largo alla francese » d’« Al mio sen », rythme de menuet du duo suivant, pompe on ne peut plus française de la seconde ouverture et chaconne finale) constituent autant de clins d’oeil au style transalpin, tandis que la vocalité reste fort italienne. L’aspect le plus remarquable de cette dernière est illustré par la fantastique partie de la Seine, dévolue à une basse capable de couvrir plus de deux octaves tout en vocalisant – était-elle destinée à l’interprète du rôle-titre de Tito Manlio, comme le suggère Olivier Fourès dans sa notice ? La partition pose d’autres problèmes mineurs : les chœurs sont écrits à quatre voix alors que le reste de l’œuvre n’en requiert que trois, une coupure affecte le récit final et l’instrumentation est sujette à interprétation. Fasolis a résolu ces questions avec plus ou moins de bonheur : on apprécie l’ajout d’un ténor de ripieno pour les chœurs, parfaitement dosés, tout comme les duos, et l’emploi des flûtes et hautbois en doublure (voire, comme dans la reprise de « Giace languente », en remplacement des cordes) ; on goûte moins le récit final spécialement composé, dans un style affecté qui n’a rien de vivaldien (il manque d’ailleurs probablement un air de basse à cet endroit). Pour le reste, la direction du chef suisse, à la tête d’un orchestre plutôt intimidé, se caractérise, comme toujours, par sa précision coupante, son sens millimétré du rythme et des nuances ainsi qu’une certaine distance ironique qui convient mieux à la seconde partie qu’à la première. Un seul Italien sur trois voix : c’est trop peu – d’autant que si De Donato triomphe avec panache des intervalles glaçants de « Pietà, dolcezza », il se montre un peu sec dans la pyrotechnie de « L’alta lor ». Blondeel prête à l’Âge d’or un timbre frais et radieux, peut-être trop argentin, tandis que l’émission plate et nasale de Richardot n’est qu’en partie compensée par un chant ciselé. Une version qui surpasse celles de Martin Gester (Accord, 1997) et de Robert King (Hypérion, 2002) mais ne fait pas oublier le lyrisme – certes assez racoleur – de Claudio Scimone (Fonit Cetra, 1978).
Château de Versailles Spectacles CVS064. (1 CD). 1h21. 2021. Notice en français. Distr. Outhere.
Des trois sérénades de Vivaldi qui nous ont été conservées (sur la dizaine qu’on lui prête), La Seine en fête est la plus ambitieuse. Si elle a sans doute été commandée par l’ambassadeur de France à Venise, on ne sait encore ni pour quelle occasion, ni à quelle date – 1724 restant l’hypothèse la plus probable, le livret faisant allusion à l’intronisation de Louis XV (fin 1723) mais non à son mariage (1725). Sur un texte flagorneur de son complice Domenico Lalli, le Prêtre roux a drapé une somptueuse partition riche de onze airs, trois duos, trois chœurs et deux sinfonie (une pour chacune des parties). L’abondance des récitatifs accompagnés, la richesse de l’orchestration et, surtout, la facture de nombreux mouvements (« Largo alla francese » d’« Al mio sen », rythme de menuet du duo suivant, pompe on ne peut plus française de la seconde ouverture et chaconne finale) constituent autant de clins d’oeil au style transalpin, tandis que la vocalité reste fort italienne. L’aspect le plus remarquable de cette dernière est illustré par la fantastique partie de la Seine, dévolue à une basse capable de couvrir plus de deux octaves tout en vocalisant – était-elle destinée à l’interprète du rôle-titre de Tito Manlio, comme le suggère Olivier Fourès dans sa notice ? La partition pose d’autres problèmes mineurs : les chœurs sont écrits à quatre voix alors que le reste de l’œuvre n’en requiert que trois, une coupure affecte le récit final et l’instrumentation est sujette à interprétation. Fasolis a résolu ces questions avec plus ou moins de bonheur : on apprécie l’ajout d’un ténor de ripieno pour les chœurs, parfaitement dosés, tout comme les duos, et l’emploi des flûtes et hautbois en doublure (voire, comme dans la reprise de « Giace languente », en remplacement des cordes) ; on goûte moins le récit final spécialement composé, dans un style affecté qui n’a rien de vivaldien (il manque d’ailleurs probablement un air de basse à cet endroit). Pour le reste, la direction du chef suisse, à la tête d’un orchestre plutôt intimidé, se caractérise, comme toujours, par sa précision coupante, son sens millimétré du rythme et des nuances ainsi qu’une certaine distance ironique qui convient mieux à la seconde partie qu’à la première. Un seul Italien sur trois voix : c’est trop peu – d’autant que si De Donato triomphe avec panache des intervalles glaçants de « Pietà, dolcezza », il se montre un peu sec dans la pyrotechnie de « L’alta lor ». Blondeel prête à l’Âge d’or un timbre frais et radieux, peut-être trop argentin, tandis que l’émission plate et nasale de Richardot n’est qu’en partie compensée par un chant ciselé. Une version qui surpasse celles de Martin Gester (Accord, 1997) et de Robert King (Hypérion, 2002) mais ne fait pas oublier le lyrisme – certes assez racoleur – de Claudio Scimone (Fonit Cetra, 1978).
Olivier Rouvière