Marie-Luise Dressen (Alfredo/Elfrido), Markus Schäfer (Gutrumo), Daniel Ochoa (Etelberto), Anna Feith (Alinda), Sophia Körber (Alsvita), Philipp Polhardt (Amundo). Choeur Simon Mayr, Concerto de Bassus, dir. Franz Hauk. (2019).
CD Naxos 8.660483-84. 2h 30. Notice en anglais et en allemand. Distr. Outhere.
CD Naxos 8.660483-84. 2h 30. Notice en anglais et en allemand. Distr. Outhere.
Le meilleur compositeur du monde ne peut guère espérer triompher d'un livret banal. Celui de Merelli pour Alfredo il Grande, antépénultième opéra de Giovanni Simone Mayr, créé à Bergame en 1819, est on ne peut plus conventionnel et n'offre guère au compositeur que des situations stéréotypées assez artificielles. Basé sur la geste du roi des Saxons, Alfred le Grand (848-899), en lutte pour libérer l'Angleterre de l'envahisseur danois incarné ici par Gutrumo, il nous raconte comment, déguisé en troubadour et sous le nom d'Elfrido, le héros réussit à délivrer sa bien-aimée Alsvita, promise par son père Etelberto à l'ennemi, en gage de paix. Après une ouverture originale et prometteuse, le premier acte voit se succéder trois airs de sortita avec chœur, celui du secondo uomo (Gutrumo), celui de la prima donna et enfin celui du primo uomo (rôle-titre en travesti), bientôt suivi d'un duo qui concrétise leurs retrouvailles. Le long finale primo constitue la première péripétie du drame et réunit l'ensemble des protagonistes auxquels s'ajoutent le père de l'héroïne (une basse pour faire bonne mesure) et la totalité des comprimari, sur la base d'un élargissement progressif qui n'est pas sans évoquer Rossini mais dont l'écriture renverrait presque au semi-seria. À cet acte d'exposition, succède un deuxième un peu plus original, où les situations permettent à Mayr de développer de véritables scènes qui réveillent un peu l'intérêt comme le trio qui conclut l'épisode où le troubadour Elfrido, ayant chanté une splendide romance, se fait reconnaitre d'Alsvita et où le couple est surpris par Gutrumo qui les met à sa merci. De beaux duos, des accompagnati et des airs plus élaborés enrichissent la partition parsemée de chœurs de belle venue, qui s'achève sur un dénouement heureux totalement artificiel ouvrant sur un final avec rondo obligé pour le rôle-titre.
Si la musique de Mayr n'est pas inférieure à celle de ses « bons » opéras, elle n'est portée par aucune tension dramatique véritable et lestée aussi par la longueur des récitatifs secs (pourtant écourtés dans cet enregistrement). Elle n'a pour elle qu'une invention mélodique et une orchestration toujours très raffinées. Les interprètes d'une distribution honnête ne peuvent en sauver les platitudes. Dans le rôle-titre, écrit pour la célèbre contralto Rosa Mariani (future créatrice de l'Arsace de Rossini), Marie-Luise Dressen, bien chantante, manque toutefois un peu de carrure et, partant, de relief pour un rôle dont le mélange de lyrisme et bravoure réclamerait un peu plus de puissance et d'abattage. Timbre immaculé, technique de vocalisation impeccable, Sophia Körber offre à Alsvita une voix un peu légère pour le rôle mais ne manque pas d'expressivité. Markus Schäfer est un Gutrumo solide et efficace dans un rôle de quasi « bariténor » dont il assume avec aplomb la tessiture et les exigences. La basse Daniel Ochoa possède un superbe timbre et toute l'autorité voulue pour son rôle paternel. Les rôles secondaires sont assurés avec compétence. Le Choeur Simon Mayr et l'excellent Concerto de Bassus sous la direction très impliquée de Franz Hauk, grand champion de la musique de Mayr, sont à leur meilleur et réussissent à faire vivre autant que possible cette œuvre un peu secondaire mais qui en son temps fut un grand succès et dont la version proposée ici est une révision postérieure pour Milan où elle ne connut pas moins de vingt-six représentations en 1820.
Alfred Caron