© ORW-Liège - J. Berger
Si Hamlet a retrouvé le chemin des scènes depuis une bonne vingtaine d’années, Mignon - pourtant un des plus grands succès d’Ambroise Thomas de son vivant et un pilier du répertoire français jusqu'au début du XXe siècle - reste une œuvre rare. Paris ne l’a pas revu depuis la production très réussie de Jean-Louis Benoît en 2010 à l’Opéra-Comique. Pour cette nouvelle production, Liège a choisi de le proposer dans sa version « originale » avec les dialogues mais avec une fin mêlant deux variantes (optimiste et tragique). Le toujours difficile mélange de théâtre parlé et de chant lyrique, un scénario assez artificiel et un « dénouement » qui, du coup, ne l’est pas moins, sont autant d’handicaps et un véritable défi pour le metteur en scène. Vincent Boussard a opté pour le second degré du théâtre dans le théâtre ou plutôt d’un théâtre inversé où il veut voir une sorte d' « éducation sentimentale » du héros de Goethe qui en est tout à la fois le héros et le spectateur. Le proscenium est ici la scène d’un théâtre dont l’image est suggérée en fond de scène et dont le chœur constitue le public. Il deviendra au deuxième acte la loge de Philine puis pour le dénouement un lieu abstrait - cette Italie dont rêve l’héroïne et qu'incarne un comédien à l’accent italien qui vient faire le récit laborieux de sa tentative de noyade. S’ajoutant à l’improbable double dénouement (Mignon revit puis meurt après avoir retrouvé la mémoire et ses origines), le monologue semi comique parait un peu longuet. Dans cette vision, tandis que Mignon découvre son amour pour Wilhelm Meister et sa féminité, la scénographie et les costumes nous font progressivement passer d’un XVIIIe siècle très stylisé et proche du roman de Goethe à une époque nettement contemporaine. Ne le nions pas, malgré de très beaux airs, dont certains sont restés dans la mémoire collective, une orchestration raffinée que met singulièrement en valeur la direction précise et dynamique de Frédéric Chaslin, l’œuvre a bien du mal à convaincre et souffre de quelques longueurs, que l’excellente distribution a du mal à faire passer. Peut-être son registre essentiellement sentimental et plutôt délicat eut-il gagné à être abordé de façon moins sophistiquée même si visuellement le résultat est superbe et si certains décalages apportent une touche d'humour bienvenue.
Si Hamlet a retrouvé le chemin des scènes depuis une bonne vingtaine d’années, Mignon - pourtant un des plus grands succès d’Ambroise Thomas de son vivant et un pilier du répertoire français jusqu'au début du XXe siècle - reste une œuvre rare. Paris ne l’a pas revu depuis la production très réussie de Jean-Louis Benoît en 2010 à l’Opéra-Comique. Pour cette nouvelle production, Liège a choisi de le proposer dans sa version « originale » avec les dialogues mais avec une fin mêlant deux variantes (optimiste et tragique). Le toujours difficile mélange de théâtre parlé et de chant lyrique, un scénario assez artificiel et un « dénouement » qui, du coup, ne l’est pas moins, sont autant d’handicaps et un véritable défi pour le metteur en scène. Vincent Boussard a opté pour le second degré du théâtre dans le théâtre ou plutôt d’un théâtre inversé où il veut voir une sorte d' « éducation sentimentale » du héros de Goethe qui en est tout à la fois le héros et le spectateur. Le proscenium est ici la scène d’un théâtre dont l’image est suggérée en fond de scène et dont le chœur constitue le public. Il deviendra au deuxième acte la loge de Philine puis pour le dénouement un lieu abstrait - cette Italie dont rêve l’héroïne et qu'incarne un comédien à l’accent italien qui vient faire le récit laborieux de sa tentative de noyade. S’ajoutant à l’improbable double dénouement (Mignon revit puis meurt après avoir retrouvé la mémoire et ses origines), le monologue semi comique parait un peu longuet. Dans cette vision, tandis que Mignon découvre son amour pour Wilhelm Meister et sa féminité, la scénographie et les costumes nous font progressivement passer d’un XVIIIe siècle très stylisé et proche du roman de Goethe à une époque nettement contemporaine. Ne le nions pas, malgré de très beaux airs, dont certains sont restés dans la mémoire collective, une orchestration raffinée que met singulièrement en valeur la direction précise et dynamique de Frédéric Chaslin, l’œuvre a bien du mal à convaincre et souffre de quelques longueurs, que l’excellente distribution a du mal à faire passer. Peut-être son registre essentiellement sentimental et plutôt délicat eut-il gagné à être abordé de façon moins sophistiquée même si visuellement le résultat est superbe et si certains décalages apportent une touche d'humour bienvenue.
Dans le rôle-titre, Stéphanie d’Oustrac passe avec aisance de son personnage garçonnier à celui de la femme jalouse et se révèle particulièrement convaincante dans les aspects pathétiques de son personnage. Son mezzo clair à l’aigu facile lui permet d'aborder l'air supplémentaire « Légères hirondelles » et ne manque pas de profondeur malgré une certaine acidité du timbre. Philippe Talbot, idéal de couleur et de style, répond exactement aux canons du ténor lyrique à la française et son dernier air « Elle ne croyait pas », privé des applaudissements par un jeu de la mise en scène, en fait une exemplaire démonstration, avec de magnifiques aigus pianissimi. En Philine, Jodie Devos joue de façon très piquante les pimbêches, et se révèle absolument éblouissante dans les coloratures du célèbre air de Titania que le metteur en scène transforme en une sorte de « strip-tease » et de scène d'ivresse. La belle basse chaleureuse de Jean Teitgen et sa diction parfaite (la seule vraiment irréprochable de ce plateau pourtant entièrement francophone) donne une belle humanité au paternel Lothario. Parmi les rôles essentiellement théâtraux, on distinguera particulièrement le Laërte du ténor Jérémy Duffau, d'une parfaite justesse. Le Frédéric de Geoffrey Degives en revanche, qui apporte une touche de bouffonnerie à un ensemble plutôt sombre, parait un peu trop appuyé et gagnerait à être allégé. Le bref rôle de Jarno est tenu avec compétence par Roger Joakim et le choeur de l'Opéra royal de Wallonie se révèle absolument impeccable dans ses multiples apparitions. La production, captée par France TV, sera disponible en replay sur Culturebox. L'occasion pour qui ne peut faire le voyage à Liège de redécouvrir une œuvre un peu inégale mais plutôt attachante.
Alfred Caron
Stéphanie d'Oustrac (Mignon). © ORW-Liège - J. Berger