© Monika Rittershaus / Opéra national de Paris
Quelques semaines après Manon, l’Opéra de Paris a voulu faire entendre un autre Massenet, plus rare, en programmant Cendrillon. Véritable chef d’œuvre de poésie, d’humour et de tendresse, Cendrillon se déploie dans une partition subtile qui présente le compositeur à son meilleur. Si l’intention de promouvoir cette œuvre était louable, on se demandait d’avance pourquoi la présenter dans l’immense vaisseau de Bastille – on y aurait mieux vu Esclarmonde et ses dimensions titanesques. En effet, Massenet a écrit sa partition pour la Salle Favart, jouant de la proximité avec le public pour créer une intimité musicale, et s’il y a des moments de pompe, celle-ci s’inspire du classicisme français – pondéré et mesuré – plutôt que de l’art pompier du Second Empire. Malheureusement, c’est bien la lourdeur qui préside à cette soirée.
Quelques semaines après Manon, l’Opéra de Paris a voulu faire entendre un autre Massenet, plus rare, en programmant Cendrillon. Véritable chef d’œuvre de poésie, d’humour et de tendresse, Cendrillon se déploie dans une partition subtile qui présente le compositeur à son meilleur. Si l’intention de promouvoir cette œuvre était louable, on se demandait d’avance pourquoi la présenter dans l’immense vaisseau de Bastille – on y aurait mieux vu Esclarmonde et ses dimensions titanesques. En effet, Massenet a écrit sa partition pour la Salle Favart, jouant de la proximité avec le public pour créer une intimité musicale, et s’il y a des moments de pompe, celle-ci s’inspire du classicisme français – pondéré et mesuré – plutôt que de l’art pompier du Second Empire. Malheureusement, c’est bien la lourdeur qui préside à cette soirée.
En fosse, Carlo Rizzi dispose d’un orchestre en grande forme mais n’en fait rien. La ductilité de la ligne mélodique, le savant équilibre entre tension rythmique et tempo fluctuant qui caractérisent la musique de Massenet disparaissent au profit d’un aplat globalement tonitruant. Un exemple : la deuxième entrée du ballet de l’acte II, « Les Fiancés » est organisée en trois parties, un chant de hautbois enchâsse une partie centrale dévolue aux cordes. Le contraste est saisissant : alors que le hautbois solo fait preuve de souplesse et d’un phrasé d’une grande élégance, les cordes sont soumises au carcan de la direction. Cela n’empêche néanmoins pas quelques belles couleurs et quelques envolées lyriques d’autant plus frustrantes qu’elles retombent toujours à plat.
Sur scène, personne ne démérite mais on attend en vain un supplément de sensibilité. Tara Erraught est une Cendrillon appliquée et la voix ne manque pas d’intérêt, contrairement à l’interprétation, tout comme le Prince d’Anna Stephany. La Fée de Kathleen Kim a la voix charnue du rôle mais pas l’autorité et ses suraigus sont parfois mal assurés. Daniela Barcellona s’acquitte de Madame de la Haltièrre avec abattage et Lionel Lhote semble avoir du mal à placer sa voix avant de présenter un Pandolfe sans vice ni vertu. Les autres rôles, parmi lesquels on distingue le roi de Philippe Rouillon, sont de bonne tenue mais ne suffisent pas à faire le spectacle.
Il y a quelque chose de cruel, tant à l’égard des artistes que du public, à distribuer les premiers rôles à des chanteurs non-francophones. Certes les mots sont articulés et on peut reconnaître le texte, mais l’idiomatisme, l’art de la déclamation, la saveur de la langue font défaut. Ce choix est d’autant plus déplorable que la scène française ne manque pas d’artistes intéressants pour incarner ces rôles.
L’action est transposée à l’âge de la Révolution industrielle triomphante. L’idée – au demeurant riche et intéressante – n’est en fait qu’un prétexte pour accumuler dispositifs et gadgets scéniques : projection d’une vidéo style ombres chinoises avant chaque acte, scène qui se « soulève » pour faire apparaître des souterrains, encombrant le décor d’une machine absurde… Mariame Clément refuse le conte et ses conventions. Ainsi, Cendrillon ne fait pas d’entrée éblouissante et mystérieuse à l’issue du ballet, elle rencontre le Prince dès le début de la scène du bal et ils bavardent des mérites comparés des talons hauts et des chaussures de tennis, du corset et de la chemise oversize. Systématiquement, l’anecdotique et le souci du gag prennent le pas sur la conduite de l’histoire – peu importe d’ailleurs qu’elle fût réécrite ou non. En abolissant les éléments improbables du livret pour rendre l’opéra plus réaliste et ses personnages plus humains, le spectacle sombre dans la caricature, ce d’autant plus que le travail des gestes, des déplacements et des regards est quasi inexistant.
Il est fécond de vouloir s’abstraire des conventions et salutaire de créer de nouveaux paradigmes, mais en méprisant l’œuvre et le genre lyrique – comme tous ceux qui se donnent pour but de « dépoussiérer » l’opéra – Mariame Clément ne fait qu’en accélérer la ringardisation.
L’action est transposée à l’âge de la Révolution industrielle triomphante. L’idée – au demeurant riche et intéressante – n’est en fait qu’un prétexte pour accumuler dispositifs et gadgets scéniques : projection d’une vidéo style ombres chinoises avant chaque acte, scène qui se « soulève » pour faire apparaître des souterrains, encombrant le décor d’une machine absurde… Mariame Clément refuse le conte et ses conventions. Ainsi, Cendrillon ne fait pas d’entrée éblouissante et mystérieuse à l’issue du ballet, elle rencontre le Prince dès le début de la scène du bal et ils bavardent des mérites comparés des talons hauts et des chaussures de tennis, du corset et de la chemise oversize. Systématiquement, l’anecdotique et le souci du gag prennent le pas sur la conduite de l’histoire – peu importe d’ailleurs qu’elle fût réécrite ou non. En abolissant les éléments improbables du livret pour rendre l’opéra plus réaliste et ses personnages plus humains, le spectacle sombre dans la caricature, ce d’autant plus que le travail des gestes, des déplacements et des regards est quasi inexistant.
Il est fécond de vouloir s’abstraire des conventions et salutaire de créer de nouveaux paradigmes, mais en méprisant l’œuvre et le genre lyrique – comme tous ceux qui se donnent pour but de « dépoussiérer » l’opéra – Mariame Clément ne fait qu’en accélérer la ringardisation.
Jules Cavalié
Kathleen Kim (La Fée). © Monika Rittershaus / Opéra national de Paris