DVD Opus Arte OA 1125 D. Distr. DistrArtMusique.
Un an et demi après sa création, Written on Skin de George Benjamin connaît déjà une consécration exceptionnelle. La puissance et la concentration dramaturgique de cet opéra appellent manifestement l'écran, puisque le voilà déjà pérennisé une deuxième fois par les caméras. Qui a eu l'occasion de voir la captation vidéo de la création aixoise diffusée en ligne le 14 juillet 2012 se sentira d'abord en terrain familier avec ce DVD : même production, casting quasi identique, même chef - le compositeur lui-même, garant d'une grande cohérence de la lecture. Mais le film d'opéra est une scénographie plaquée sur une scénographie, ou plutôt filtrant une scénographie. Installé dans la présente captation, on verra progressivement s'affirmer son identité visuelle : le montage est ici globalement plus dynamique, avec davantage de plans moyens, mais des plans rapprochés moins serrés. Les points de captation, différents, impliquent ici moins de perspectives diagonales, mais apportent des vues plus spectaculaires prises en surplomb vertical sur le devant de scène. Avec la forte contre-plongée utilisée dans la scène finale où Agnès monte les escaliers au ralenti, Vertigo de Hitchcock n'est pas très loin. Même la colorimétrie va dans ce sens : Margaret Williams nous propose une esthétique cinématographique qui se distingue de celle, plus télévisuelle, de la captation aixoise (Bel Air Media).
Cet opéra quintessencié, où tout est minutieusement soupesé pour paraître plus libre encore, où chaque détail vit en parfaite osmose avec le flux dramaturgique, a été vocalement ajusté aux mesures exactes du plateau ici réuni. Barbara Hannigan, qui semble depuis Aix avoir intégré plus en profondeur encore son personnage, gagne en fluidité et en naturel, dans ses gestes comme dans son attitude. Christopher Purves, somptueux vocalement, donne une exceptionnelle intensité dramatique au personnage du Protecteur, et Bejun Mehta cultive une fascinante ambiguïté. Là où le jeune Mahler Chamber Orchestra se montrait plus fougueux (jusqu'aux flûtes exaspérées qui ponctuent la fin de la visite de John et Marie), l'orchestre de Covent Garden semble plus soucieux de contrôle absolu. Opus Arte nous ouvre là une voie d'accès luxueuse à un chef d'œuvre déjà classique du XXIe siècle.
P.R.