David Johnston (Lord Nelson), Eiddwen Harrhy (Lady Emma Hamilton), Brian Rayner Cook (Sir William Hamilton), Elizabeth Bainbridge (Mrs Cadogan), Mary Thomas (Madame Serafin), Margaret Kingsley (Lady Nelson), Richard Angas (Capitaine de drapeau Hardy), Eric Shilling (Amiral Lord Minto), Orchestre symphonique et chœur de la BBC, dir. Elgar Howarth (BBC, 1983).
Lyrita SRCD.2392 (2 CD). Présentation, résumé et livret en anglais. Distr. Outhere.
Né près d'Oxford dans une famille aristocratique, Lennox Berkeley (1903-1989) reçut les encouragements de Ravel avant d'étudier la composition avec Nadia Boulanger de 1927 à 1932. D'origine française par sa mère, il séjourna à de nombreuses reprises dans l'Hexagone et fut notamment un grand ami de Francis Poulenc. Il travailla à la BBC à la fin de la Seconde Guerre mondiale, puis enseigna à la Royal Academy of Music de Londres de 1946 à 1968. Contrairement à Britten, son cadet de dix ans, il écrivit peu pour la scène : un seul opéra d'envergure, Nelson, suivi de trois brefs ouvrages en un acte. D'abord donné en version de concert (avec piano) en 1953 au Wigmore Hall par l'English Opera Group (avec Peter Pears dans le rôle-titre), Nelson fut ensuite créé sans grand succès au Sadler's Wells de Londres en septembre 1954. La version commercialisée aujourd'hui par Lyrita provient d'un enregistrement effectué par la BBC en 1983.
Gravitant autour de la relation de Nelson avec Lady Hamilton, l'action se déroule de septembre 1798, au lendemain de la bataille d'Aboukir, à octobre 1805, au moment de la mort de l'amiral au large du cap de Trafalgar. Après le premier acte qui voit la cristallisation de l'amour dans les salons de l'Ambassade d'Angleterre à Naples, où Emma Hamilton avait suivi son mari, les deux autres actes présentent la souffrance de Lady Nelson, le jugement moral de la société puritaine, les adieux des amants et la mort du héros national sur son vaisseau, le HMS Victory. Ne pouvant certes se comparer avec les deux « opéras maritimes » de Britten (Peter Grimes et Billy Budd) qu'il suit de peu, l'ouvrage de Berkeley déçoit par l'absence de réelle fibre dramatique. S'il sait bien écrire pour les voix et orchestrer avec un talent indéniable, le compositeur ne donne qu'un aperçu bien édulcoré de la passion amoureuse ou des désarrois de l'épouse trompée : alors que les personnages commencent à peine à s'enflammer, l'inspiration tourne court presque aussitôt... Loin de constituer le climax de l'œuvre, l'évocation au troisième acte de la bataille de Trafalgar laisse complètement indifférent. On comprend dès lors pourquoi Berkeley a émis lui-même un jugement sévère sur sa partition. Avec un timbre voisin de celui de Peter Pears, le ténor David Johnston fait entendre un Nelson aux accents souvent presque plaintifs mais qui s'accorde avec la modestie naturelle du personnage. Parfois mise à mal par certaines notes aiguës, Eiddwen Harry est une Lady Hamilton farouchement déterminée à vivre sa passion, puis véhémente dans l'expression de son deuil. Plus effacée, la Lady Nelson de Margaret Kingsley rend bien l'amertume de la femme trahie. D'une belle homogénéité, la distribution permet notamment d'entendre la Mrs Cadogan (mère d'Emma Hamilton) haute en couleur d'Elizabeth Bainbridge, le capitaine Hardy à la somptueuse voix de basse de Richard Angas et l'amiral Minto plein de bienveillance d'Eric Shilling. À la tête des forces de la BBC, Elgar Howarth dirige avec conviction et un solide métier, mais ne peut évidemment guère conférer un grand intérêt à cette curiosité.
Louis Bilodeau