Francesca Ascioti (Dori), Emöke Baràth (Tolomeo), Francesca Lombardi Mazzulli (Arsinoe), Rupert Enticknap (Oronte), Federico Sacchi (Artaxerse), Bradley Smith (Arsete), Alberto Allegrezza (Dirce), Pietro Di Bianco (Erasto), Rocco Cavalluzzi (Golo), Konstantin Derri (Bagoa), Accademia Bizantina, dir. Ottavio Dantone ; mise en scène : Stefano Vizioli. (Tiroler Landestheater, Innsbruck, 21, 24 et 26 août 2019).
Naxos 2110676 (1 DVD). 2h44’. 2019. Notice en anglais. Distr. Outhere.
Il y a quelques mois, nous chroniquions l’écho discographique de cette production. La vision du spectacle allait-elle modifier notre opinion, globalement très positive ? Oui et non. Nos impressions musicales restent les mêmes : lecture riche, souple et vivante de Dantone, formidable interprétation des quatre principaux chanteurs, incarnation moins convaincante des six rôles secondaires… À la scène, la Dori d’Ascioti et le Tolomeo de Baràth nous enthousiasment plus encore : les deux dames ne sont pas seulement d’excellentes chanteuses mais en outre d’intenses actrices. Et on comprend mieux le choix de certains autres interprètes : basses discutables, Pietro Di Bianco et Rocco Cavalluzzi, amenés à se battre, danser voire esquisser quelques acrobaties, possèdent une réelle présence scénique. Surtout, si le ténor Alberto Allegrezza n’affiche pas un timbre bouleversant, il campe, sur les planches, une désopilante duègne érotomane, notamment lorsqu’il se grime en sorcière de Blanche neige pour concocter ses potions magiques… Logiquement, les jeux sur l’ambiguïté sexuelle gagnent à être contemplés, et on apprécie de voir Erasto fulminer de s’être épris d’un homme, Oronte se troubler devant un joli esclave. La mise en scène de Stefano Vizioli reste classique, très lisible, avec une direction d’acteurs fouillée, exigeante, toujours attentive au texte, parfois emphatique, souvent drôle (les tentatives de suicide de Dori !). La scénographie a dû compter avec un plateau assez étroit (celui du Théâtre régional du Tyrol d’Innsbruck) et, au début, on avoue ne pas spécialement goûter ce gros rocher de carton-pâte et cette armoire à malices, qui doivent évoquer bord de mer, palais ou jardins. Mais ce dispositif basique se voit joliment animé par les changements à vue, les lumières azurées de Ralph Kopp et les splendides costumes pseudo-XVIII° d’Anna Maria Heinreich, mêlant brocart, lin et tissus d’indienne. En somme, un spectacle abouti, bien répété, qui méritait d’être pérennisé. Mais honte à l’éditeur, qui propose des sous-titres en japonais et coréen, tout en snobant notre langue !
Olivier Rouvière