Le mini-festival numérique « Avril au balcon ! » d'Angers Nantes Opéra nous permet d'assister à un événement rare, la création française de La Répétition d'opéra (Die Opernprobe), bref ouvrage d'Albert Lortzing dont la première eut lieu à Francfort en 1851. Le compositeur a tiré son livret d'une pièce dans laquelle il avait joué lui-même en 1825, La Comédie improvisée (Die Komödie aus dem Stegreif) de Johann Friedrich Jünger, traduction de L'Impromptu de campagne (1733) de Philippe Poisson. L'intrigue se déroule chez un comte tellement obsédé par l'art lyrique qu'il s'exprime le plus souvent sous forme de récitatifs. Le rideau se lève sur la répétition d'orchestre d'un opéra dirigé avec beaucoup d'autorité par... la servante Hannchen. Amoureux de la fille du comte, le baron Adolf von Reinthal se fait passer pour un ténor afin d'approcher l'objet de sa flamme. En plus d'obtenir la main de la charmante Louise, Adolf voit son domestique Johann conquérir le cœur de la séduisante Kapellmeisterin. La meilleure version discographique a été enregistrée par Otmar Suitner à Munich en 1974, avec Nicolai Gedda et Walter Berry.
Filmé au Théâtre Graslin de Nantes les 12 et 13 mars dernier, le spectacle d'une durée d'une heure alterne parties chantées dans l'original allemand et dialogues traduits en français, choix qui s'imposait tout naturellement en l'occurrence. Dans un élégant salon du XVIIIe siècle dont il est également le concepteur, le metteur en scène Éric Chevalier insuffle une belle énergie à une représentation des plus réjouissantes. Après une ouverture pleine d'alacrité, la répétition chez le comte donne la vedette à la soprano Marie-Bénédicte Souquet, Hannchen au caractère bien trempé et au chant soigné. Jean-Vincent Blot possède un riche timbre de basse qui convient à merveille au comte féru de musique. Marc Scoffoni est un valet à la bonne humeur contagieuse qui surpasse vocalement son maître, le ténor Carlos Natale éprouvant quelques difficultés dans le suave « Ob ich dich liebe ». Si la comtesse (Sophie Belloir) et Louise (Dima Bawad) ont moins à faire, elles s'avèrent sémillantes à souhait dans l'éblouissant sextuor qui réunit les six principaux solistes. À la tête de l'Orchestre National des Pays de Loire et du Chœur d'Angers Nantes Opéra, Antony Hermus fait preuve d'une grande finesse conjuguée à un don évident pour la comédie enmusique. En ces temps de disette artistique, voilà qui réconforte l'âme.
Louis Bilodeau
Spectacle visible sur la chaîne YouTube d'Angers-Nantes Opéra.
Marie-Bénédicte Souquet (Hannchen)
Photos : Jean-Marie Jagu