Nahuel di Pierro (Ercole), Anna Bonitatibus (Giunone), Giuseppina Bridelli (Dejanira), Francesca Aspromonte (Iole), Krystian Adam (Hyllo), Giulia Semenzato (Venere, Cinzia), Eugénie Lefebvre (Pasitea, Clerica), Luca Tittoto (Nettuno, Eutyro), Ray Chenez (le Page), Dominique Visse (Licco), Ensemble Pygmalion, dir. Raphaël Pichon ; mise en scène : Valérie Lesort et Christian Hecq.
Naxos 2110679-80 (2 DVD). Distr. Outhere. 3h07’. 2020. Live. Notice en anglais.
Cet Hercule amoureux faisait figure d’apothéose au sein d’une saison de l’Opéra-Comique (celle de 2019) pourtant riche en belles surprises, et on se réjouit qu’il ait été pérennisé. Dommage qu’une version en CD ne semble pas avoir été prévue car, sur ce support, nous ne disposons pour l’instant que de la lecture datée de Michel Corboz (Erato, 1981 - voir ASO n°32) – tandis qu’en DVD était déjà parue celle d’Ivor Bolton et David Alden (Opus Arte, 2010 - voir ASO n°256). Quoi qu’il en soit, cet opéra génial, boudé à sa création, en 1662, par la cour de Louis XIV, mais qui semble contenir en germe toutes les tragédies lyriques (Alceste, Hippolyte, Dardanus), pièces à machines (Psyché) voire oratorios (Sémélé !) à venir, méritait bien deux enregistrements vidéos - de référence. Pour une description détaillée de la mise en scène de Lesort et Hecq, permettons-nous de renvoyer le lecteur à notre compte-rendu des représentations. À l’écran, on apprécie toujours autant la pétulante inventivité des scénographes, leurs machines volantes, fleurs vénéneuses, spectres répugnants et monstres baveux, même si, vus de près, les costumes perdent de leur superbe et le cadre scénique (sorte d’imitation de l’amphithéâtre grec) avoue son caractère étriqué. Et l’on déplore aussi toujours autant que seul le biais de la dérision guide cette vision : pourquoi les actuels metteurs en scène d’opéra ont-ils si peur de l’émotion ? Sur ce plan, ainsi que sur le plan des décors, la production d’Amsterdam (d’ailleurs plus complète) s’avérait supérieure. Côté musique, en revanche, c’est presque un sans faute. Au petit jeu des décalages avec nos souvenirs, on trouvera l’Hercule bellâtre de di Pierro plus percutant encore, le jeune couple d’amoureux formé par Aspromonte et Adam encore plus fondant, le Page de Chenez plus convaincant que « sur le vif ». En revanche, la Junon de Bonitatibus, stylistiquement impériale mais moins en voix qu’en 2009, laisse échapper quelques sons un peu bas et la Déjanire de Bridelli quelques sonorités acides, tandis que le Lychas de Visse, affreusement nasillard, décourage l’écoute. Lecture sensible, fluide, plus sensuelle que théâtrale de Pichon, à la tête d’un orchestre opulent mais moins bien capté que les voix, apport superlatif de l’ensemble vocal Pygmalion, superbe dans les doubles chœurs du Prologue, plus ravissant encore en petite formation (le trio des Brises et Ruisseau formé par Olivier Coiffet, Renaud Brès et Nicolas Brooymans). En somme, un bien joli spectacle dont les clins d’œil aux films d’animation pourront séduire petits et grands.
Olivier Rouvière