CD Melodia MEL CD 1002102. Distr. Abeille Musique.
Pour la discographie du Démon, seul parmi les opéras d'Anton Rubinstein à s'être maintenu un temps au répertoire, on croyait les jeux faits. Melik-Paschaiev en avait gravé une lecture éloquente qui confrontait le Démon d'Ivanov au Sinodal de Koslovsky, écho de la production du Bolchoï captée en 1950. Mais voilà que Melodia exhume un enregistrement de 1974 disparu depuis le temps du microsillon, où Boris Khaikin retrouve les climats soufrés et l'urgence dramatique qui régnaient au Bolchoï vingt-quatre ans plus tôt. Avec pourtant une distribution plus en demi-teintes. Si Polyakov surprend par son incarnation très littéraire d'un personnage mis également en majesté à la même époque par Boïto, et si il a les moyens du rôle - graves abyssaux, caractérisation dans tous les registres admirablement détaillée durant le grand dialogue du Démon et de Tamara au III -, le Sinodal anonyme d'Usmanov paraît bien anecdotique après celui de Koslovski, tout comme le Goudal de Vladimirov, privé de la verve qu'y mettait un Krassovsky en grande voix. On se rembourse avec la Tamara de Nina Lebedeva, qui ne craint ni le style orné - seule trace fugitive de l'héritage de Glinka -, ni le délicat exercice du dialogue parlando durant sa confrontation avec celui dont elle est la seule à percevoir l'identité diabolique. Un bel ajout à la discographie trop courte d'une œuvre fascinante.
J.-C.H.